Lettres d'amour à Staline © Lot
Boulgakov, le non-exilé. Boulgakov, l’asphyxié. Boulgakov, le méprisé. Cet écrivain, qui avait (de son vivant) acquis la reconnaissance du public sans jamais obtenir celle du pouvoir, est mort en 1940, à l’âge de quarante-huit ans, dans un grand dénuement : "pour un artiste, la censure signifie la peine de mort" (il faudra attendre plus de quarante ans après sa mort pour voir la totalité de ses œuvres publiées). Il passera sa vie à tenter d’entrer en contact avec Staline. Ses lettres au dictateur sont, paraît-il, nombreuses. D’autant que l’écrivain ne devait recevoir, pour toute réponse, qu’un unique coup de fil du maître du Kremlin, vite interrompu, au moment le plus crucial : celui où le dictateur lui propose un rendez-vous. Cette rencontre, il l’attendra en vain.
C’est en partant de cette "anecdote" (avérée) que Juan Mayorga imagine l’interminable attente de l’écrivain et la lente dégradation de sa santé psychologique. Sombre nécessité d’être reconnu de ses pairs ou besoin de trouver des explications au silence bien pesant du dictateur, le personnage de Boulgakov s’imagine dialoguer avec le spectre de Staline. Sa femme tentera de l’en sortir, mais elle ne pourra se battre bien longtemps contre les ombres fantasmées, mi cruelles, mi grotesques, de son mari. L’atmosphère est étouffante.
Destiné à un public averti, nous doutons que ce "théâtre d’auteur", pourtant superbe, fasse l’unanimité. Dans ce huis clos à trois voix, l’enfermement de Boulgakov (Luc-Antoine Diquero) contamine avec force le spectateur. Deux réactions possibles : soit on n’y entre pas du tout et il devient alors difficile de garder les yeux ouverts (c’était le cas de ma voisine !) ; soit on pénètre avec passion dans la claustration du personnage. En tout cas, une évidence saute aux yeux : dès les premières minutes, le décor est volontairement chargé, le mobilier lourd, la scène immobile. Comment d’ailleurs s’imaginer autrement cette Russie des années vingt ? Grise, uniforme et poussiéreuse, n’est-ce pas ? Jorge Lavelli voit juste. Par avance, ne nous étonnons pas des rejets que cette pièce pourrait susciter. Mais est-ce (vraiment ?) à un vieux singe (comme Lavelli) qu’on apprend à faire la
grimace ?
C’est en partant de cette "anecdote" (avérée) que Juan Mayorga imagine l’interminable attente de l’écrivain et la lente dégradation de sa santé psychologique. Sombre nécessité d’être reconnu de ses pairs ou besoin de trouver des explications au silence bien pesant du dictateur, le personnage de Boulgakov s’imagine dialoguer avec le spectre de Staline. Sa femme tentera de l’en sortir, mais elle ne pourra se battre bien longtemps contre les ombres fantasmées, mi cruelles, mi grotesques, de son mari. L’atmosphère est étouffante.
Destiné à un public averti, nous doutons que ce "théâtre d’auteur", pourtant superbe, fasse l’unanimité. Dans ce huis clos à trois voix, l’enfermement de Boulgakov (Luc-Antoine Diquero) contamine avec force le spectateur. Deux réactions possibles : soit on n’y entre pas du tout et il devient alors difficile de garder les yeux ouverts (c’était le cas de ma voisine !) ; soit on pénètre avec passion dans la claustration du personnage. En tout cas, une évidence saute aux yeux : dès les premières minutes, le décor est volontairement chargé, le mobilier lourd, la scène immobile. Comment d’ailleurs s’imaginer autrement cette Russie des années vingt ? Grise, uniforme et poussiéreuse, n’est-ce pas ? Jorge Lavelli voit juste. Par avance, ne nous étonnons pas des rejets que cette pièce pourrait susciter. Mais est-ce (vraiment ?) à un vieux singe (comme Lavelli) qu’on apprend à faire la
grimace ?
Lettres d'amour à Staline © Lot
Les pas de la femme qui entre et sort (au gré de ses tractations infructueuses auprès de l’administration stalinienne) martèlent la solitude de Boulgakov. Ses talons claquent sur le sol dénudé de l’arrière-scène, l’effet est saisissant. Comme son jeu d’ailleurs. Marie-Christine Letort y est superbe. Elle nous a subjugués. Mieux : c’est même peut-être grâce à elle que nous sommes entrés à ce point dans la pièce. Elle empoigne (avec une perfection rare) un rôle d’une difficulté monstre : pour aider son mari, elle joue les avocats (du diable), en adoptant les poses, les réflexions, la voix du dictateur. Un duel verbal (et même physique) s’engage, il triple en présence du spectre. On regrette d’ailleurs que cette escarmouche ne dure pas plus longtemps… Un vrai régal.
Tout aussi troublant, ce réalisme dans lequel Lavelli a décidé de la camper (certaines scènes peuvent faire penser à un tableau de Caillebotte, Jeune femme à sa toilette). Il souligne l’angle sous lequel l’écrivain Juan Mayorga observe cet autre écrivain Mikhaïl Boulgakov : éminemment humain. Le parti pris est défendable. Il est en tout cas tenu d’un bout à l’autre de la pièce.
Dans tout cela, un reproche : vingt bonnes minutes redondantes pendant lesquelles les dialogues entre les deux hommes ne marquent plus de progression dramatique. Le problème n’est pas dans le duo Gérard Lartigau / Luc-Antoine Diquero (au jeu impeccable) mais dans un texte qui accuse une longueur de trop et que le metteur en scène (et en partie traducteur) aurait dû élaguer.
Oui, c’est vrai. Aucun doute que Lettres d’amour à Staline est un peu long. Mais certaines répliques sont tellement justes ! Celle-ci notamment : "Un artiste qui se tait n’est pas un véritable artiste". On ne le répètera jamais assez, vous ne trouvez pas ?
Tout aussi troublant, ce réalisme dans lequel Lavelli a décidé de la camper (certaines scènes peuvent faire penser à un tableau de Caillebotte, Jeune femme à sa toilette). Il souligne l’angle sous lequel l’écrivain Juan Mayorga observe cet autre écrivain Mikhaïl Boulgakov : éminemment humain. Le parti pris est défendable. Il est en tout cas tenu d’un bout à l’autre de la pièce.
Dans tout cela, un reproche : vingt bonnes minutes redondantes pendant lesquelles les dialogues entre les deux hommes ne marquent plus de progression dramatique. Le problème n’est pas dans le duo Gérard Lartigau / Luc-Antoine Diquero (au jeu impeccable) mais dans un texte qui accuse une longueur de trop et que le metteur en scène (et en partie traducteur) aurait dû élaguer.
Oui, c’est vrai. Aucun doute que Lettres d’amour à Staline est un peu long. Mais certaines répliques sont tellement justes ! Celle-ci notamment : "Un artiste qui se tait n’est pas un véritable artiste". On ne le répètera jamais assez, vous ne trouvez pas ?
Lettres d’amour à Staline
Lettres d'amour à Staline © Lot
(Vu le 29 avril 2011)
Texte : Juan Mayorga.
Texte français : Jorge Lavelli et Dominique Poulange.
Conception et mise en scène : Jorge Lavelli.
Avec : Luc-Antoine Diquero, Gérard Lartigau, Marie-Christine Letort.
Collaboration artistique : Dominique Poulange.
Dispositif scénique : Graciela Galán et Jorge Lavelli.
Costumes : Graciela Galán.
Lumière : Gérard Monin et Jorge Lavelli.
Son : Stéphanie Gibert.
Postiche : Cécile Krestchmar.
Habillage : Elsa Duhalde.
Régie : Thibault Joulié, Laurent Cupif, Michaël Bennoun.
Du 27 avril au 29 mai 2011.
Du mardi au samedi à 20 h 30, sauf samedi à 19 h 30 et dimanche à 16 h.
Théâtre de la Tempête.
La Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris.
Réservations : 01 43 28 36 36.
Pour plus de renseignements :
www.la-tempete.fr/blankhttp://www.la-tempete.fr
Texte : Juan Mayorga.
Texte français : Jorge Lavelli et Dominique Poulange.
Conception et mise en scène : Jorge Lavelli.
Avec : Luc-Antoine Diquero, Gérard Lartigau, Marie-Christine Letort.
Collaboration artistique : Dominique Poulange.
Dispositif scénique : Graciela Galán et Jorge Lavelli.
Costumes : Graciela Galán.
Lumière : Gérard Monin et Jorge Lavelli.
Son : Stéphanie Gibert.
Postiche : Cécile Krestchmar.
Habillage : Elsa Duhalde.
Régie : Thibault Joulié, Laurent Cupif, Michaël Bennoun.
Du 27 avril au 29 mai 2011.
Du mardi au samedi à 20 h 30, sauf samedi à 19 h 30 et dimanche à 16 h.
Théâtre de la Tempête.
La Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris.
Réservations : 01 43 28 36 36.
Pour plus de renseignements :
www.la-tempete.fr/blankhttp://www.la-tempete.fr