© Christophe Raynaud de Lage.
À bien y regarder, ce nouveau spectacle de Pauline Susini interroge en grande partie la place de l'artiste dans la mémoire du monde et la manière dont il est possible de "fictionner" le réel.
Quoi de plus légitime à ce que l'Art, et le Théâtre en particulier, convoque l'humain et la violence que ce dernier génère ?
Pléthore d'œuvres pourrait en être les témoins et illustrer la chose. Ce n'est pas chose simple que de s'y coller et certains arts y parviennent probablement mieux que d'autres, comme la peinture, par exemple.
Mais, au théâtre, c'est souvent scabreux et bien des choses ont déjà été dites. Nous pensons notamment à des metteurs en scène comme Jan Fabre ou Rodrigo Garcia et à leurs spectacles qui ont pu choquer et effrayer à certains moments le célèbre Festival d'Avignon.
C'est très indirectement et finement que "Les Consolantes" évoque la violence des attentats de Paris, car le choix de Pauline Susini s'est axé bien davantage sur les suites post-traumatiques que cette dernière a pu engendrer dans les corps et les âmes des victimes, directes ou indirectes.
Quoi de plus légitime à ce que l'Art, et le Théâtre en particulier, convoque l'humain et la violence que ce dernier génère ?
Pléthore d'œuvres pourrait en être les témoins et illustrer la chose. Ce n'est pas chose simple que de s'y coller et certains arts y parviennent probablement mieux que d'autres, comme la peinture, par exemple.
Mais, au théâtre, c'est souvent scabreux et bien des choses ont déjà été dites. Nous pensons notamment à des metteurs en scène comme Jan Fabre ou Rodrigo Garcia et à leurs spectacles qui ont pu choquer et effrayer à certains moments le célèbre Festival d'Avignon.
C'est très indirectement et finement que "Les Consolantes" évoque la violence des attentats de Paris, car le choix de Pauline Susini s'est axé bien davantage sur les suites post-traumatiques que cette dernière a pu engendrer dans les corps et les âmes des victimes, directes ou indirectes.
© Christophe Raynaud de Lage.
Projet ambitieux, s'il en est, qui aurait pu tomber dans certains travers, mais il n'en est rien ! De toute évidence, parce que le processus de création élaboré par la metteuse en scène, à la tête de sa compagnie "Les Vingtièmes Rugissants" depuis 2008, relève d'un travail hautement sensible et inédit autour de la mémoire collective.
"Le corpus documentaire à partir duquel j'ai travaillé se compose d'entretiens intimes. Ce ne sont pas des sources comme les autres : elles relatent une expérience traumatique individuelle ancrée dans la mémoire collective (…). En tant qu'artiste, je ne peux pas m'en emparer sans en prendre soin, sans réfléchir précisément à la manière dont je vais construire une fiction. La forme théâtrale peut contribuer au travail de digestion collective".
Le pari est largement gagné. Au Théâtre 13- Bibliothèque, en ce jour de reprise, après la représentation de création à "La Garance" de Cavaillon, le 11 janvier dernier, et à l'Étoile du Nord du 24 au 26 janvier, une interrogation nous a subitement submergée : comment l'horreur collective pourra-t-elle être évoquée sur un plateau finalement pas si grand que cela ? Comment toutes les "dimensions" du Bataclan, du Stade de France pourront-elles être représentées ? Ou encore, toutes les victimes comptabilisées seront-elles honorées à leur juste souvenir ? Le tout, en ce lieu si clos…
"Le corpus documentaire à partir duquel j'ai travaillé se compose d'entretiens intimes. Ce ne sont pas des sources comme les autres : elles relatent une expérience traumatique individuelle ancrée dans la mémoire collective (…). En tant qu'artiste, je ne peux pas m'en emparer sans en prendre soin, sans réfléchir précisément à la manière dont je vais construire une fiction. La forme théâtrale peut contribuer au travail de digestion collective".
Le pari est largement gagné. Au Théâtre 13- Bibliothèque, en ce jour de reprise, après la représentation de création à "La Garance" de Cavaillon, le 11 janvier dernier, et à l'Étoile du Nord du 24 au 26 janvier, une interrogation nous a subitement submergée : comment l'horreur collective pourra-t-elle être évoquée sur un plateau finalement pas si grand que cela ? Comment toutes les "dimensions" du Bataclan, du Stade de France pourront-elles être représentées ? Ou encore, toutes les victimes comptabilisées seront-elles honorées à leur juste souvenir ? Le tout, en ce lieu si clos…
© Christophe Raynaud de Lage.
Mais elle est parvenue à condenser l'essentiel de la chose, Pauline Susini, grâce au théâtre et à tout ce qui le constitue, en peignant une mosaïque concise et lumineuse d'anecdotes concrètes, profondément humaines.
"Dans un monde utopique, il n'y aurait pas de limites, mais, là, il faut s'en fixer une, mais même cette limite, je ne la connais pas !", dit un des comédiens. A contrario, le spectacle de Pauline Susini apparaît quelque part comme "sans limites", tant l'ensemble, magistralement interprété par les quatre comédiens et comédiennes qui endossent tour à tour trente rôles distincts, est d'une extrême justesse et d'une grande transparence.
Des allusions à des figures mythologiques viennent à certains moments se glisser intelligemment sur la scène transformée en chantier et couverte de bâches blanches, telles Orphée, Charon ou encore Perséphone, comme pour suggérer, peut-être, que rien n'est encore rebâti, que tout reste à faire, que la fatalité restera éternellement la fatalité ou, encore, que ce chantier, précisément en chantier, transpire le vivant avant tout !
Les quatre comédiens et comédiennes, Sébastien Desjours, Noémie Develay-Ressiguier, Sol Espèche, Nicolas Giret-Famin incarnent tour à tour la trentaine de victimes de ces attentats avec justesse, sans pathos ni lyrisme ostentatoire. L'écueil était pourtant à portée de mains…
Le spectacle est magnifié par la création sonore de Loïc Leroux et les lumières de César Godefroy qui, toutes deux conjuguées, ne se contentent pas de structurer l'espace, mais apportent au spectacle une dimension émotionnelle très sensible.
Dans la seconde partie du spectacle, il est fait mention aux nombreux tracas administratifs par lesquels, inévitablement, les victimes de l'horreur doivent passer. Une bulle de parenthèses particulière par rapport au reste du spectacle et qui aurait pu revêtir des aspects dissonants. Mais il n'en est rien : ces évocations renforcent la dimension horrifique de la tragédie vécue par les victimes. L'écueil était pourtant à portée de mains.
La pièce "Les Consolantes" de Pauline Susini était un projet ambitieux, mais la magie de son savoir-faire, rodé auprès de Joël Pommerat sur "La Réunification des deux Corées" ou encore de Justine Heynemann sur "La Discrète amoureuse", entre autres, a su opérer bien joliment, grâce aussi à la scénographie pensée brillamment par Camille Duchemin.
Se consoler par le théâtre ! N'est-ce pas une bonne résolution en ce début d'année 2024 où grogne encore et encore, malheureusement, la violence et la haine !
Consolons-nous ! Vivons !
"Dans un monde utopique, il n'y aurait pas de limites, mais, là, il faut s'en fixer une, mais même cette limite, je ne la connais pas !", dit un des comédiens. A contrario, le spectacle de Pauline Susini apparaît quelque part comme "sans limites", tant l'ensemble, magistralement interprété par les quatre comédiens et comédiennes qui endossent tour à tour trente rôles distincts, est d'une extrême justesse et d'une grande transparence.
Des allusions à des figures mythologiques viennent à certains moments se glisser intelligemment sur la scène transformée en chantier et couverte de bâches blanches, telles Orphée, Charon ou encore Perséphone, comme pour suggérer, peut-être, que rien n'est encore rebâti, que tout reste à faire, que la fatalité restera éternellement la fatalité ou, encore, que ce chantier, précisément en chantier, transpire le vivant avant tout !
Les quatre comédiens et comédiennes, Sébastien Desjours, Noémie Develay-Ressiguier, Sol Espèche, Nicolas Giret-Famin incarnent tour à tour la trentaine de victimes de ces attentats avec justesse, sans pathos ni lyrisme ostentatoire. L'écueil était pourtant à portée de mains…
Le spectacle est magnifié par la création sonore de Loïc Leroux et les lumières de César Godefroy qui, toutes deux conjuguées, ne se contentent pas de structurer l'espace, mais apportent au spectacle une dimension émotionnelle très sensible.
Dans la seconde partie du spectacle, il est fait mention aux nombreux tracas administratifs par lesquels, inévitablement, les victimes de l'horreur doivent passer. Une bulle de parenthèses particulière par rapport au reste du spectacle et qui aurait pu revêtir des aspects dissonants. Mais il n'en est rien : ces évocations renforcent la dimension horrifique de la tragédie vécue par les victimes. L'écueil était pourtant à portée de mains.
La pièce "Les Consolantes" de Pauline Susini était un projet ambitieux, mais la magie de son savoir-faire, rodé auprès de Joël Pommerat sur "La Réunification des deux Corées" ou encore de Justine Heynemann sur "La Discrète amoureuse", entre autres, a su opérer bien joliment, grâce aussi à la scénographie pensée brillamment par Camille Duchemin.
Se consoler par le théâtre ! N'est-ce pas une bonne résolution en ce début d'année 2024 où grogne encore et encore, malheureusement, la violence et la haine !
Consolons-nous ! Vivons !
"Les Consolantes"
© Christophe Raynaud de Lage.
Texte et mise en scène : Pauline Susini/Compagnie Les Vingtièmes Rugissants.
Collaboratrice artistique : Florence Albaret.
Avec : Noémie Develay-Ressiguier, Sébastien Desjours, Sol Espèche, Nicolas Giret-Famin.
Scénographie : Camille Duchemin.
Chorégraphie : Jeanne Alechinsky.
Lumières : César Godefroy.
Son : Loïc Leroux.
Costumes : Clara Hubert.
À partir de 15 ans.
Durée : 1 h 45.
Du 30 janvier au 9 février 2024.
Du lundi au vendredi à 20 h, samedi à 18 h.
Théâtre 13/Bibliothèque, Paris 13e, 01 45 88 62 22.
>> theatre13.com
Ce spectacle contient des séquences de flash lumineux et des effets stroboscopiques qui peuvent affecter certains spectateurs ou spectatrices.
Tournée
Du 29 février au 2 mars 2024 : Anis Gras, Arcueil (94).
16 mars 2024 : L'Ecam, Kremlin-Bicêtre (94).
Collaboratrice artistique : Florence Albaret.
Avec : Noémie Develay-Ressiguier, Sébastien Desjours, Sol Espèche, Nicolas Giret-Famin.
Scénographie : Camille Duchemin.
Chorégraphie : Jeanne Alechinsky.
Lumières : César Godefroy.
Son : Loïc Leroux.
Costumes : Clara Hubert.
À partir de 15 ans.
Durée : 1 h 45.
Du 30 janvier au 9 février 2024.
Du lundi au vendredi à 20 h, samedi à 18 h.
Théâtre 13/Bibliothèque, Paris 13e, 01 45 88 62 22.
>> theatre13.com
Ce spectacle contient des séquences de flash lumineux et des effets stroboscopiques qui peuvent affecter certains spectateurs ou spectatrices.
Tournée
Du 29 février au 2 mars 2024 : Anis Gras, Arcueil (94).
16 mars 2024 : L'Ecam, Kremlin-Bicêtre (94).