© Ludo Leleu.
Pièces classiques et contemporaines, spectacles musicaux et jeune public composaient d'emblée cette première saison. Ainsi, en ce début d'année, se joue un chef-d'œuvre du théâtre romantique, trop rarement monté hélas : "Les Caprices de Marianne" d'Alfred de Musset (1810-1857). Une petite merveille en deux actes où la langue de Musset n'a jamais semblé si belle.
"Les Caprices de Marianne", publiée dans la Revue des Deux Mondes le 15 mai 1833, est la pièce d'un jeune homme de 22 ans. Même si le texte, destiné originellement à la lecture, sera profondément remanié en 1851 en vue de sa création à la Comédie-Française, le poète y livre les deux facettes de sa personnalité à travers deux jeunes gens, Octave, dandy désenchanté à la vie de débauche, et Coelio qui aspire à un amour éternel. Gaston Baty, qui monta la pièce en 1935, dépeint Musset en ces termes : "Deux êtres vivaient en lui tour à tour. L'un jouisseur, brillant, débauché, ironique, se contentait des amours qui passent ; l'autre tendre, ardent, mélancolique et douloureux, rêvait de la grande passion qui viendrait emplir sa vie." Tout le charme de la pièce réside dans cette belle dualité…
"Les Caprices de Marianne", publiée dans la Revue des Deux Mondes le 15 mai 1833, est la pièce d'un jeune homme de 22 ans. Même si le texte, destiné originellement à la lecture, sera profondément remanié en 1851 en vue de sa création à la Comédie-Française, le poète y livre les deux facettes de sa personnalité à travers deux jeunes gens, Octave, dandy désenchanté à la vie de débauche, et Coelio qui aspire à un amour éternel. Gaston Baty, qui monta la pièce en 1935, dépeint Musset en ces termes : "Deux êtres vivaient en lui tour à tour. L'un jouisseur, brillant, débauché, ironique, se contentait des amours qui passent ; l'autre tendre, ardent, mélancolique et douloureux, rêvait de la grande passion qui viendrait emplir sa vie." Tout le charme de la pièce réside dans cette belle dualité…
© Ludo Leleu.
Rappelons l'intrigue en quelques mots. Le jeune Cœlio est épris de Marianne, l'épouse du vieux juge Claudio. Pour lui signifier son amour, il fait jouer la sérénade sous ses fenêtres et tente de l'aborder par l'entremise de l'intrigante Ciuta. Mais il n'obtient que refus de la jeune femme. Au désespoir, il confie son amour à son ami Octave. Cousin par alliance de la belle Marianne, celui-ci se propose d'intercéder en sa faveur. La fidèle épouse reste indifférente à Cœlio, mais tombe amoureuse d'Octave et, en termes voilés, lui ouvre la porte de sa chambre à coucher. Octave, tout chamboulé, envoie Cœlio à sa place, par loyauté pour son ami. Mais, Claudio, craignant l'infidélité de sa femme, a engagé des spadassins pour se débarrasser de l'impudent. Cœlio, pris au piège, est tué. Octave, accablé, renonce à aimer Marianne.
Qualifiée de "comédie" par son auteur, la pièce est, en réalité, un drame sur l'impossibilité de l'amour. La belle langue de Musset, délicatement ciselée, au lyrisme maîtrisé, touche merveilleusement juste. "Vous ne pouvez ni aimer ni haïr, et vous êtes comme les roses du Bengale, Marianne, sans épines et sans parfum", lance Octave à sa cousine à l'acte II. L'insulte est d'autant plus cruelle que la tournure en est jolie.
Philippe Calvario, dont le talent ne tarit pas, signe ici une mise en scène d'une grande finesse de jeu où subrepticement se dessine l'amour naissant entre Marianne et Octave. Au contact l'un de l'autre, ces deux êtres se révèlent à eux-mêmes et vont évoluer tout au long de la pièce. Calvario, dans le rôle d'Octave, et Zoé Adjani, dans celui de Marianne, déploient une belle sensibilité ainsi qu'une grande palette de jeu. Cynique et nonchalant à souhait, l'épicurien patenté se voit rattrapé par la beauté et l'intensité du sentiment amoureux. Sa joyeuse extravagance fait progressivement place à la gravité. Dans la scène finale, son "Je ne vous aime pas, Marianne ; c'était Coelio qui vous aimait", sonne, de manière bouleversante, comme un aveu.
À ses côtés, Zoé Adjani offre le portrait d'une femme d'une étonnante modernité, clamant haut et fort son libre arbitre. Son morceau de bravoure, lorsqu'elle lance à Octave "Mon cher cousin, est-ce que vous ne plaignez pas le sort des femmes ?", est profondément déchirant. Loin d'être cantonnée au rôle de la dévote accrochée à son livre de messe, elle souffre, aime et se rebelle contre sa condition. Mikaël Mittelstadt, tendre et mélancolique en diable dans le rôle de Cœlio, clôt ce formidable trio. Christof Veillon (Claudio), Delphine Rich (Ciuta et Hermia) et Hameza El Omari (Tibia et Malvolio) complètent la distribution.
La pièce se passe à Naples, nous dit Musset, dans une rue, chez Claudio, au cimetière... Pour figurer les différents lieux de cette Italie de convention, qui n'est pas sans rappeler une certaine tragédie shakespearienne, le scénographe Roland Fontaine a conçu un décor mouvant : deux murs qui pivotent et transforment successivement l'espace de leurs quatre faces. Si l'idée peut s'avérer ingénieuse et fonctionner pour certaines scènes, l'ensemble est assez imposant et disgracieux. Dommage.
Saluons, par ailleurs, les costumes d'Aurore Popineau. Dans un savant mélange de classicisme et de modernité, ils jouent subtilement des correspondances. Ainsi la robe verte de Marianne, le pantalon assorti d'Octave et le vêtement entièrement noir de Coelio en disent-ils long sur les sentiments des personnages... Un spectacle où éclate tout le génie de Musset !
◙ Isabelle Fauvel
Qualifiée de "comédie" par son auteur, la pièce est, en réalité, un drame sur l'impossibilité de l'amour. La belle langue de Musset, délicatement ciselée, au lyrisme maîtrisé, touche merveilleusement juste. "Vous ne pouvez ni aimer ni haïr, et vous êtes comme les roses du Bengale, Marianne, sans épines et sans parfum", lance Octave à sa cousine à l'acte II. L'insulte est d'autant plus cruelle que la tournure en est jolie.
Philippe Calvario, dont le talent ne tarit pas, signe ici une mise en scène d'une grande finesse de jeu où subrepticement se dessine l'amour naissant entre Marianne et Octave. Au contact l'un de l'autre, ces deux êtres se révèlent à eux-mêmes et vont évoluer tout au long de la pièce. Calvario, dans le rôle d'Octave, et Zoé Adjani, dans celui de Marianne, déploient une belle sensibilité ainsi qu'une grande palette de jeu. Cynique et nonchalant à souhait, l'épicurien patenté se voit rattrapé par la beauté et l'intensité du sentiment amoureux. Sa joyeuse extravagance fait progressivement place à la gravité. Dans la scène finale, son "Je ne vous aime pas, Marianne ; c'était Coelio qui vous aimait", sonne, de manière bouleversante, comme un aveu.
À ses côtés, Zoé Adjani offre le portrait d'une femme d'une étonnante modernité, clamant haut et fort son libre arbitre. Son morceau de bravoure, lorsqu'elle lance à Octave "Mon cher cousin, est-ce que vous ne plaignez pas le sort des femmes ?", est profondément déchirant. Loin d'être cantonnée au rôle de la dévote accrochée à son livre de messe, elle souffre, aime et se rebelle contre sa condition. Mikaël Mittelstadt, tendre et mélancolique en diable dans le rôle de Cœlio, clôt ce formidable trio. Christof Veillon (Claudio), Delphine Rich (Ciuta et Hermia) et Hameza El Omari (Tibia et Malvolio) complètent la distribution.
La pièce se passe à Naples, nous dit Musset, dans une rue, chez Claudio, au cimetière... Pour figurer les différents lieux de cette Italie de convention, qui n'est pas sans rappeler une certaine tragédie shakespearienne, le scénographe Roland Fontaine a conçu un décor mouvant : deux murs qui pivotent et transforment successivement l'espace de leurs quatre faces. Si l'idée peut s'avérer ingénieuse et fonctionner pour certaines scènes, l'ensemble est assez imposant et disgracieux. Dommage.
Saluons, par ailleurs, les costumes d'Aurore Popineau. Dans un savant mélange de classicisme et de modernité, ils jouent subtilement des correspondances. Ainsi la robe verte de Marianne, le pantalon assorti d'Octave et le vêtement entièrement noir de Coelio en disent-ils long sur les sentiments des personnages... Un spectacle où éclate tout le génie de Musset !
◙ Isabelle Fauvel
"Les Caprices de Marianne"
© Ludo Leleu.
Texte : Alfred de Musset.
Adaptation : Philippe Calvario.
Mise en scène : Philippe Calvario.
Avec : Zoé Adjani, Philippe Calvario, Mikaël Mittelstadt et Pierre Hurel (en alternance), Hameza El Omari, Delphine Rich, Christof Veillon.
Collaboration artistique : Sophie Tellier.
Scénographie : Roland Fontaine.
Costumes : Aurore Popineau.
Création musicale : Christian Kiappe.
Création lumière : Christian Pinaud.
Régie générale : Sébastien Alves.
Dramaturgie : Modestine Pelle.
Production Saudade Compagnie.
À partir de 14 ans.
Durée : 1 h 20.
Du 8 janvier au 30 mars 2025.
Du mercredi au samedi à 19 h, dimanche à 15 h.
Théâtre des Gémeaux Parisiens, Paris 20ᵉ, 01 87 44 61 11.
>> theatredesgemeauxparisiens.com
Adaptation : Philippe Calvario.
Mise en scène : Philippe Calvario.
Avec : Zoé Adjani, Philippe Calvario, Mikaël Mittelstadt et Pierre Hurel (en alternance), Hameza El Omari, Delphine Rich, Christof Veillon.
Collaboration artistique : Sophie Tellier.
Scénographie : Roland Fontaine.
Costumes : Aurore Popineau.
Création musicale : Christian Kiappe.
Création lumière : Christian Pinaud.
Régie générale : Sébastien Alves.
Dramaturgie : Modestine Pelle.
Production Saudade Compagnie.
À partir de 14 ans.
Durée : 1 h 20.
Du 8 janvier au 30 mars 2025.
Du mercredi au samedi à 19 h, dimanche à 15 h.
Théâtre des Gémeaux Parisiens, Paris 20ᵉ, 01 87 44 61 11.
>> theatredesgemeauxparisiens.com