© Patrice Nin.
"Die tote Stadt", opéra le plus joué dans les années vingt dans le monde germanique (et dirigé par les plus grands tels Szell, Schalk et autres Knappertsbusch) connaît une exceptionnelle double création en 1920 - à Hambourg par Egon Pollack et à Cologne par Otto Klemperer.
C'est qu'après trois ans de travail sur la partition, le "wunderkind" Korngold - au précoce talent admiré tant par Mahler que par Puccini - est très attendu dans son adaptation du roman du symboliste belge Georges Rodenbach, Bruges-la-Morte. Avec un livret offrant une intrigue entièrement réécrite (à quatre mains avec son père Julius), l'opéra connaît donc un succès qui ne se démentira pas jusqu'à l'arrivée au pouvoir des nazis.
Paul, inconsolable depuis la mort de son épouse Marie, a fait de sa maison un temple dédié à son souvenir. Il rencontre une jeune danseuse, Marietta, qui semble la réincarnation de la morte dans une ville désertée et brumeuse - cette Bruges qu'on retrouvera dans le "Nosferatu" de Werner Herzog. Paul saura-t-il s'arracher au souvenir morbide de son amour perdu et à l'atmosphère oppressante d'une ville traversée de fantômes et de processions religieuses ?
C'est qu'après trois ans de travail sur la partition, le "wunderkind" Korngold - au précoce talent admiré tant par Mahler que par Puccini - est très attendu dans son adaptation du roman du symboliste belge Georges Rodenbach, Bruges-la-Morte. Avec un livret offrant une intrigue entièrement réécrite (à quatre mains avec son père Julius), l'opéra connaît donc un succès qui ne se démentira pas jusqu'à l'arrivée au pouvoir des nazis.
Paul, inconsolable depuis la mort de son épouse Marie, a fait de sa maison un temple dédié à son souvenir. Il rencontre une jeune danseuse, Marietta, qui semble la réincarnation de la morte dans une ville désertée et brumeuse - cette Bruges qu'on retrouvera dans le "Nosferatu" de Werner Herzog. Paul saura-t-il s'arracher au souvenir morbide de son amour perdu et à l'atmosphère oppressante d'une ville traversée de fantômes et de processions religieuses ?
© Patrice Nin.
Korngold imagine pour cette intrigue mêlant fantasmagorie, cauchemar et névroses, une partition somptueuse pour cent vingt musiciens au croisement esthétique de réminiscences wagnérienne, malhérienne mais aussi influencée par le travail de son maître A. von Zemlinsky (très Apocalypse viennoise fin de siècle) ; avec une écriture expressionniste parfois, que traversent aussi quelques lignes mélodiques et motifs pucciniens.
Partition-creuset des tendances et avant-gardes au tournant des dix-neuvième et vingtième siècles, "Die tote Stadt" offre son lyrisme sensuel et élégiaque mais prend parfois aussi les accents terribles d'un chaos aux couleurs inouïes ; autant dire un plaisir de chaque instant pour le spectateur, quasiment aussi parfait que celui prodigué par l'"Elektra" de R. Strauss (Korngold est cependant moins novateur).
Le chef anglais Leo Hussain parvient à entraîner l'Orchestre national du Capitole sur ces terres étrangères avec un bonheur un peu irrégulier. Si la fosse dans l'acte un déçoit un peu dans le choix de traiter les événements musicaux avec des sections de petite et grande harmonie pas toujours stables (et des entrées de pupitres parfois à contretemps), elle ensorcelle cependant (et quelle magnificence dans les actes suivants) avec un discours musical généreux en sonorités voluptueuses (et des cordes d'une belle intensité). Ce travail symphonique à la hauteur des enjeux dramatiques convient comme un gant à la mise en scène de Philipp Hammelmann.
Partition-creuset des tendances et avant-gardes au tournant des dix-neuvième et vingtième siècles, "Die tote Stadt" offre son lyrisme sensuel et élégiaque mais prend parfois aussi les accents terribles d'un chaos aux couleurs inouïes ; autant dire un plaisir de chaque instant pour le spectateur, quasiment aussi parfait que celui prodigué par l'"Elektra" de R. Strauss (Korngold est cependant moins novateur).
Le chef anglais Leo Hussain parvient à entraîner l'Orchestre national du Capitole sur ces terres étrangères avec un bonheur un peu irrégulier. Si la fosse dans l'acte un déçoit un peu dans le choix de traiter les événements musicaux avec des sections de petite et grande harmonie pas toujours stables (et des entrées de pupitres parfois à contretemps), elle ensorcelle cependant (et quelle magnificence dans les actes suivants) avec un discours musical généreux en sonorités voluptueuses (et des cordes d'une belle intensité). Ce travail symphonique à la hauteur des enjeux dramatiques convient comme un gant à la mise en scène de Philipp Hammelmann.
© Patrice Nin.
Chaque personnage est isolé dans une niche reproduisant à l'identique le même décor ténu, exposant ainsi la solitude irrémédiable de chacun de même que les conflits de perception entre Paul et Marietta ou Franck (l'ami du veuf). Tous prisonniers du cadre et des lumières changeantes d'un théâtre mental.
La vidéo réussit à figurer la véritable hantise dont sont victimes les personnages - en premier lieu Paul. Belle idée de P. Hammelmann d'entraîner la troupe de comédiens (de l'acte deux) en une danse macabre (de zombies) du plus bel effet. Une danse sur le fond de laquelle la vitalité et la sensualité de Marietta se dessinent nettement.
Le metteur en scène allemand fait le choix d'une conclusion pessimiste dans cette intelligente vision, qui tourne le dos au symbolisme initial pour nous offrir une traduction intemporelle de l'expérience mélancolique.
La vidéo réussit à figurer la véritable hantise dont sont victimes les personnages - en premier lieu Paul. Belle idée de P. Hammelmann d'entraîner la troupe de comédiens (de l'acte deux) en une danse macabre (de zombies) du plus bel effet. Une danse sur le fond de laquelle la vitalité et la sensualité de Marietta se dessinent nettement.
Le metteur en scène allemand fait le choix d'une conclusion pessimiste dans cette intelligente vision, qui tourne le dos au symbolisme initial pour nous offrir une traduction intemporelle de l'expérience mélancolique.
© Patrice Nin.
La distribution luxueuse est de celles des plus grandes maisons. On ne présente plus le remarquable ténor Torsten Kerl, le meilleur Paul de sa génération. Il affronte aisément les incroyables difficultés de son rôle (avec ses graves et ses aigus impossibles) et tient tête à l'imposant dispositif orchestral avec une élégance et une sensibilité bouleversantes.
La révélation pourrait bien être la Marietta/Marie de Evgenia Muraveva absolument étourdissante de maîtrise, de charisme et de subtilité dans un rôle à peine moins écrasant que celui de Paul. La voix est belle, le phrasé idéal et la caractérisation des personnages toujours fouillée dans cette conversation musicale qui évoque irrésistiblement l'art d'un Richard Strauss.
Retenons aussi le Fritz de Thomas Dolié aussi fin que lyrique dans son superbe air du deuxième acte comme le Franck de Matthias Winckhler vraiment émouvant. Dans de petits rôles pleins de charme brillent aussi Norma Nahoun (Juliette) et Julie Pasturaud (Lucienne). Pour cet opéra, qui fut visible très tardivement en France, cette reprise d'une production de l'Opéra national de Lorraine s'impose sur la scène toulousaine en référence incontournable.
La révélation pourrait bien être la Marietta/Marie de Evgenia Muraveva absolument étourdissante de maîtrise, de charisme et de subtilité dans un rôle à peine moins écrasant que celui de Paul. La voix est belle, le phrasé idéal et la caractérisation des personnages toujours fouillée dans cette conversation musicale qui évoque irrésistiblement l'art d'un Richard Strauss.
Retenons aussi le Fritz de Thomas Dolié aussi fin que lyrique dans son superbe air du deuxième acte comme le Franck de Matthias Winckhler vraiment émouvant. Dans de petits rôles pleins de charme brillent aussi Norma Nahoun (Juliette) et Julie Pasturaud (Lucienne). Pour cet opéra, qui fut visible très tardivement en France, cette reprise d'une production de l'Opéra national de Lorraine s'impose sur la scène toulousaine en référence incontournable.
© Patrice Nin.
Du 22 novembre au 4 décembre 2018 à 20 h.
Théâtre du Capitole.
Place du Capitole, Toulouse (31).
Tél. : 05 61 63 13 13.
>> theatreducapitole.fr
"Die tote Stadt" (1920).
Musique de E. W. Korngold (1897-1957).
Livret de Paul Schott (J. et E. Korngold).
En langue allemande surtitrée en français.
Durée : 2 h sans entracte.
Théâtre du Capitole.
Place du Capitole, Toulouse (31).
Tél. : 05 61 63 13 13.
>> theatreducapitole.fr
"Die tote Stadt" (1920).
Musique de E. W. Korngold (1897-1957).
Livret de Paul Schott (J. et E. Korngold).
En langue allemande surtitrée en français.
Durée : 2 h sans entracte.
© Patrice Nin.
Leo Hussain, direction musicale.
Phlipp Himmelmann, mise en scène.
Raimund Bauer, décors.
Bettina Walter, costumes.
Gerard Cleven, lumières.
Martin Eidenberger, vidéo.
Torsten Kerl, Paul.
Evgenia Muraveva, Marietta/Marie.
Thomas Dolié, Fritz.
Matthias Winckhler, Franck.
Katharine Goeldner, Brigitta.
Orchestre national du Capitole.
Chœur et maîtrise du Capitole.
Phlipp Himmelmann, mise en scène.
Raimund Bauer, décors.
Bettina Walter, costumes.
Gerard Cleven, lumières.
Martin Eidenberger, vidéo.
Torsten Kerl, Paul.
Evgenia Muraveva, Marietta/Marie.
Thomas Dolié, Fritz.
Matthias Winckhler, Franck.
Katharine Goeldner, Brigitta.
Orchestre national du Capitole.
Chœur et maîtrise du Capitole.