Jusque-là, un même support ne parlait pas à la fois de théâtre et de cirque, de chanson et d’arts de la rue. Disons qu’en 1989, ce n’était pas encore une pratique entrée dans les mœurs que de considérer une pièce de la Comédie Française au même titre que les spectacles du clown Buffo. Dès les premiers numéros, elle s'adressa à la fois aux professionnels du Spectacle et au grand public, ce dernier se trouvant plus concerné lorsque le magazine fut diffusé en kiosque. Depuis quelques années, le support papier n’existe plus et la RDS est devenue un site (loi du marché oblige !).
Aujourd’hui, la RDS s’est offert un lifting, anciens et nouveaux rédacteurs ont concocté quelques bonnes surprises prévues pour la rentrée de septembre : entre autres s’annonce la création de nouvelles rubriques passionnantes, interactives et surtout… innovantes ! Entre web radio et vidéo, contenu de qualité et coups de gueule, la rentrée va être riche.
Enfin, l’avantage de la maturité, c’est qu’on a une histoire et surtout des archives qu’on a envie de vous faire partager. Pour fêter cet anniversaire du 1er juillet, un article (à titre exceptionnel sous cette forme) vous est présenté. Plus tard, une rubrique "archives" sera mise place.
Il s'agit ici d'une interview, accompagnée d'un article sur Léo Ferré, à l’occasion d’un numéro spécial sorti entre décembre 1990 et janvier 1991. Comment résister au plaisir de fêter notre anniversaire en compagnie d'un tel Monsieur ? On espère que vous partagerez avec autant d'émotion que nous cette (re)lecture... Sheila Louinet.
Aujourd’hui, la RDS s’est offert un lifting, anciens et nouveaux rédacteurs ont concocté quelques bonnes surprises prévues pour la rentrée de septembre : entre autres s’annonce la création de nouvelles rubriques passionnantes, interactives et surtout… innovantes ! Entre web radio et vidéo, contenu de qualité et coups de gueule, la rentrée va être riche.
Enfin, l’avantage de la maturité, c’est qu’on a une histoire et surtout des archives qu’on a envie de vous faire partager. Pour fêter cet anniversaire du 1er juillet, un article (à titre exceptionnel sous cette forme) vous est présenté. Plus tard, une rubrique "archives" sera mise place.
Il s'agit ici d'une interview, accompagnée d'un article sur Léo Ferré, à l’occasion d’un numéro spécial sorti entre décembre 1990 et janvier 1991. Comment résister au plaisir de fêter notre anniversaire en compagnie d'un tel Monsieur ? On espère que vous partagerez avec autant d'émotion que nous cette (re)lecture... Sheila Louinet.
"Léo Ferré : le vieux copain"
Première de couverture du magazine La Revue du Spectacle, n°spécial de décembre 90 et janvier 91
Léo Ferré est de nouveau présent sur tous les tableaux. Un récital au TLP Dejazet, un nouvel album quasi lyrique avec l'Orchestre Symphonique de Milan et son "Opéra du pauvre" mis en scène par le Zygom Théâtre.
Avec dans l'âme le souvenir de ses vieux copains.
Égal à lui-même, le lion s'est à nouveau dressé sur la scène du TLP qu'il fréquente régulièrement "par amour et amitié" depuis 1983.
Son nouveau spectacle comprend l'intégralité des chansons du compact et commence avec un texte en forme de règlement de compte : Vison l'éditeur. Comme toujours Ferré passe des chansons au piano et aux chansons accompagnées par bande. Le travail effectué avec l'orchestre symphonique est colossal et une ré-écoute des chansons chez soi, après le spectacle, est un véritable plaisir.
Le discours de Léo Ferré est toujours plein d'amour et de respect, du respect de l'autre, du respect de la poésie et de l'amitié.
Rencontré, il y a quelque temps à Tours, par Christian Panvert, celui-ci nous livre les réflexions de cette entrevue.
Avec dans l'âme le souvenir de ses vieux copains.
Égal à lui-même, le lion s'est à nouveau dressé sur la scène du TLP qu'il fréquente régulièrement "par amour et amitié" depuis 1983.
Son nouveau spectacle comprend l'intégralité des chansons du compact et commence avec un texte en forme de règlement de compte : Vison l'éditeur. Comme toujours Ferré passe des chansons au piano et aux chansons accompagnées par bande. Le travail effectué avec l'orchestre symphonique est colossal et une ré-écoute des chansons chez soi, après le spectacle, est un véritable plaisir.
Le discours de Léo Ferré est toujours plein d'amour et de respect, du respect de l'autre, du respect de la poésie et de l'amitié.
Rencontré, il y a quelque temps à Tours, par Christian Panvert, celui-ci nous livre les réflexions de cette entrevue.
Pages 4 et 5 du magazine La Revue du Spectacle, n°spécial de décembre 90 et janvier 91
CP. - On vous a dit un jour "Léo, tu es anarchiste et pourtant tu t'arrêtes au feu rouge". Être anarchiste, c'est respecter ceux qui passent au vert ?
Léo Ferré - Je me respecte et je respecte l'autre avant toute chose. Si je décide de vivre en cité, il faut que je fasse attention à l'autre. Je ne suis pas anarchiste, je suis quelqu'un qui aime. C'est tout et c'est différent. Ça ne perd rien de faire l'effort d'aimer l'autre, et ça arrange tout.
C P. - Si Rimbaud existait encore, ferait-il du rock ?
L. F. - Je crois plutôt qu'il cracherait dessus avant de s'en aller. Le rock n'est qu'une musique à la gloire du percussionniste. Je dis percussionniste parce que je suis musicien. Mais certains disent batteur. C'est péjoratif … Le rock n'est qu'une musique à la gloire du batteur.
C P. - La folie est-elle la marque indélébile de la vérité ?
L. F. - La folie, c'est de ne pas être dans la rue avec les autres, c'est de ne pas être dans le texte, c'est aussi croire au Père Noël de l'intelligence.
CP. - Pour Léo Ferré "la musique est la charrette qui véhicule la poésie dans l'oreille de tous" ?
L. F. - Je m'en suis rendu compte en 1957 lorsque j'ai sorti un disque pour le centenaire des "Fleurs du mal". Beaucoup de gens ont découvert Baudelaire grâce à ce disque. Actuellement plus personne ne lit la poésie. Si Baudelaire, Rimbaud, Verlaine vivaient à l’heure actuelle, on les aurait appelés des auteurs-compositeurs-interprètes. (rire) "
CP. - Un jour Victor Hugo a pourtant écrit "interdit de déposer de la musique le long de mes vers"
L F. - C'est pour cela que je n'ai jamais chanté Hugo. Je crois qu'il avait fait ça contre Béranger (le chansonnier) parce qu'il avait mis de la musique sur ses vers. Je n'étais pas content quand je l'ai appris. Il m'emmerde ce type. Ce que j'aurai eu à lui répondre serait "défense de mettre des vers sur ma musique".
Léo Ferré - Je me respecte et je respecte l'autre avant toute chose. Si je décide de vivre en cité, il faut que je fasse attention à l'autre. Je ne suis pas anarchiste, je suis quelqu'un qui aime. C'est tout et c'est différent. Ça ne perd rien de faire l'effort d'aimer l'autre, et ça arrange tout.
C P. - Si Rimbaud existait encore, ferait-il du rock ?
L. F. - Je crois plutôt qu'il cracherait dessus avant de s'en aller. Le rock n'est qu'une musique à la gloire du percussionniste. Je dis percussionniste parce que je suis musicien. Mais certains disent batteur. C'est péjoratif … Le rock n'est qu'une musique à la gloire du batteur.
C P. - La folie est-elle la marque indélébile de la vérité ?
L. F. - La folie, c'est de ne pas être dans la rue avec les autres, c'est de ne pas être dans le texte, c'est aussi croire au Père Noël de l'intelligence.
CP. - Pour Léo Ferré "la musique est la charrette qui véhicule la poésie dans l'oreille de tous" ?
L. F. - Je m'en suis rendu compte en 1957 lorsque j'ai sorti un disque pour le centenaire des "Fleurs du mal". Beaucoup de gens ont découvert Baudelaire grâce à ce disque. Actuellement plus personne ne lit la poésie. Si Baudelaire, Rimbaud, Verlaine vivaient à l’heure actuelle, on les aurait appelés des auteurs-compositeurs-interprètes. (rire) "
CP. - Un jour Victor Hugo a pourtant écrit "interdit de déposer de la musique le long de mes vers"
L F. - C'est pour cela que je n'ai jamais chanté Hugo. Je crois qu'il avait fait ça contre Béranger (le chansonnier) parce qu'il avait mis de la musique sur ses vers. Je n'étais pas content quand je l'ai appris. Il m'emmerde ce type. Ce que j'aurai eu à lui répondre serait "défense de mettre des vers sur ma musique".
"L'opéra du pauvre"
Pages 4 et 5 du magazine La Revue du Spectacle, n°spécial de décembre 90 et janvier 91
Léo Ferré, lui, semble beaucoup plus tolérant. L'Opéra du pauvre dont "la mise en scène n'était pas à envisager" en est l'exemple flagrant. Cet opéra, que Ferré avait enregistré sur disque, n'avait jamais été monté. Un jour, Franck Ramon vient lui demander l'autorisation de le mettre en scène. Ferré, séduit par la passion du toulousain donne son accord. Commence, là, une longue aventure qui enthousiasmera Ferré et qui aboutira sur la scène du TLP du 27 novembre au 9 décembre.
"Ils ont réinventé mon œuvre !" déclara-t-il. Pour en arriver là, Frank Ramon et le Zygom Théâtre ont remué ciel et terre. Après avoir obtenu l'autorisation de Ferré accompagnée d'une seule consigne, ne toucher ni au texte, ni à la musique, ils vont se battre pendant quatre ans pour monter l'opéra avec de superbes décors, des costumes appropriés à l'ambiance du spectacle et une vingtaine de comédiens et techniciens. La première aura lieu, en présence de Léo Ferré, le 29 mars 1989 à Castres. C'est le succès et le pari est gagné. Ferré est convaincu et il écrira à Hervé Trinquier, le directeur du TLP pour lui faire part de son sentiment et pour essayer de monter la pièce à Paris.
Mais qu'est-ce que cet opéra hors du commun que Ferré n'imaginait pas sur scène ?
La Nuit, soupçonnée d'avoir supprimé la Dame Ombre, est amenée devant le juge d'instruction aux fins d'inculpation de meurtre. Elle ne peut répondre qu'en présence de son avocat, le Hibou, bien sûr ... Il y a plusieurs témoins à charge qui affirment avoir vu la Dame Nuit supprimer la Dame Ombre, juste comme le soleil se couchait entre chien et loup. L'ennui pour l'instruction est qu'on ne retrouve pas la disparue - morte ou vive - et qu'on ne peut faire supporter à la Nuit que des présomptions, très lourdes, certes, mais insuffisantes. Les témoins à décharge viennent, nombreux, dire tout le bien que leur fait Dame Nuit, et ce sont eux qui finalement l'emporteront, au petit jour, dès que le soleil pointera et que l'ombre réapparaîtra s'enfuyant avec eux ... empaillés comme des hiboux ...
La mise en scène de F. Ramon donne à ce texte une véritable dimension de théâtre poétique. Tout est construit autour d'une même ambiance, celle d'un jugement où la nuit est à la barre des accusés. Le décor composé de volumes cubiques permet aux comédiens d'évoluer, monter et descendre suivant le jeu et leur position hiérarchique du moment. Les costumes de Marithe et François Girbaud donnent une seconde peau à chacun des personnages-animaux qui interviennent tout au long du procès. Tous ceux qui aiment Ferré et son œuvre retrouveront dans cette adaptation son univers. Le parti de proposer cette pièce à Paris est forcément risqué puisque Ferré ne fait pas parti du spectacle. C'est là le pari du Zygom théâtre, du TLP et de Léo. Alors pari tenu !
G. CHAUVEAU et C.PANVERT pour l'interview.
"Ils ont réinventé mon œuvre !" déclara-t-il. Pour en arriver là, Frank Ramon et le Zygom Théâtre ont remué ciel et terre. Après avoir obtenu l'autorisation de Ferré accompagnée d'une seule consigne, ne toucher ni au texte, ni à la musique, ils vont se battre pendant quatre ans pour monter l'opéra avec de superbes décors, des costumes appropriés à l'ambiance du spectacle et une vingtaine de comédiens et techniciens. La première aura lieu, en présence de Léo Ferré, le 29 mars 1989 à Castres. C'est le succès et le pari est gagné. Ferré est convaincu et il écrira à Hervé Trinquier, le directeur du TLP pour lui faire part de son sentiment et pour essayer de monter la pièce à Paris.
Mais qu'est-ce que cet opéra hors du commun que Ferré n'imaginait pas sur scène ?
La Nuit, soupçonnée d'avoir supprimé la Dame Ombre, est amenée devant le juge d'instruction aux fins d'inculpation de meurtre. Elle ne peut répondre qu'en présence de son avocat, le Hibou, bien sûr ... Il y a plusieurs témoins à charge qui affirment avoir vu la Dame Nuit supprimer la Dame Ombre, juste comme le soleil se couchait entre chien et loup. L'ennui pour l'instruction est qu'on ne retrouve pas la disparue - morte ou vive - et qu'on ne peut faire supporter à la Nuit que des présomptions, très lourdes, certes, mais insuffisantes. Les témoins à décharge viennent, nombreux, dire tout le bien que leur fait Dame Nuit, et ce sont eux qui finalement l'emporteront, au petit jour, dès que le soleil pointera et que l'ombre réapparaîtra s'enfuyant avec eux ... empaillés comme des hiboux ...
La mise en scène de F. Ramon donne à ce texte une véritable dimension de théâtre poétique. Tout est construit autour d'une même ambiance, celle d'un jugement où la nuit est à la barre des accusés. Le décor composé de volumes cubiques permet aux comédiens d'évoluer, monter et descendre suivant le jeu et leur position hiérarchique du moment. Les costumes de Marithe et François Girbaud donnent une seconde peau à chacun des personnages-animaux qui interviennent tout au long du procès. Tous ceux qui aiment Ferré et son œuvre retrouveront dans cette adaptation son univers. Le parti de proposer cette pièce à Paris est forcément risqué puisque Ferré ne fait pas parti du spectacle. C'est là le pari du Zygom théâtre, du TLP et de Léo. Alors pari tenu !
G. CHAUVEAU et C.PANVERT pour l'interview.