© Pascal Victor/artcompress.
Quel objet opératique curieux que cet "Ange de feu" ! Prokofiev le compose durant huit ans entre les États-Unis, la France et au cours de ses nombreux voyages entre 1919 et 1927. L'opéra est accepté par Bruno Walter pour l'Opéra de Berlin en 1926, sans être produit finalement. Il faut attendre 1954 pour qu'il sorte de l'oubli, mais seule une version de concert est donnée au Théâtre des Champs-Élysées pour sa création.
Reconnaissons qu'on sort quelque peu bousculé de cet étrange opéra développant une histoire pleine de bruit et de fureur tirée d'un roman de Valery Brioussov. Sergueï Prokofiev reprend dans le livret qu'il rédige lui-même en sept tableaux une intrigue tissée des fantômes et des démons qui hantent Renata, une jeune fille insaisissable. Poursuivie par les assiduités du Chevalier Ruprecht, elle traque quant à elle un jeune homme, Heinrich. Celui-ci est peut-être l'incarnation d'un ange qui l'a visitée dans l'enfance et dont elle est tombée amoureuse.
On peut s'interroger sur ce qui a pu fasciner le compositeur russe dans cette histoire médiévale complexe, tout imprégnée d'occultisme et de sorcellerie. Si l'imaginaire russe est bien présent avec un fond dostoïevskien d'angoisse et de culpabilité des personnages, l'influence du romantisme germanique se révèle déterminante aussi.
Reconnaissons qu'on sort quelque peu bousculé de cet étrange opéra développant une histoire pleine de bruit et de fureur tirée d'un roman de Valery Brioussov. Sergueï Prokofiev reprend dans le livret qu'il rédige lui-même en sept tableaux une intrigue tissée des fantômes et des démons qui hantent Renata, une jeune fille insaisissable. Poursuivie par les assiduités du Chevalier Ruprecht, elle traque quant à elle un jeune homme, Heinrich. Celui-ci est peut-être l'incarnation d'un ange qui l'a visitée dans l'enfance et dont elle est tombée amoureuse.
On peut s'interroger sur ce qui a pu fasciner le compositeur russe dans cette histoire médiévale complexe, tout imprégnée d'occultisme et de sorcellerie. Si l'imaginaire russe est bien présent avec un fond dostoïevskien d'angoisse et de culpabilité des personnages, l'influence du romantisme germanique se révèle déterminante aussi.
© Pascal Victor/artcompress.
Faust et Méphistophélès y côtoient une sorcière, un mage inquiétant Agrippa von Nettesheim et d'autres figures hautes en couleurs dans un périple qui mène les protagonistes à travers l'Allemagne. Dans cette œuvre d'une violence musicale sans précédent (dont certains passages nourriront la troisième symphonie) aux exaspérations expressionnistes, tragique et burlesque se mêlent en une sarabande apocalyptique qui va crescendo.
Mariusz Trelinski, directeur artistique de l'Opéra national de Pologne, propose pour sa première mise en scène au Festival d'Aix une réécriture noire et rock du chef-d'œuvre de Prokofiev. Une proposition qui ancre ses références dans le cinéma d'un David Lynch, d'un Krzystof Kieslowski ou d'un Andrzej Zulawski (période "Possession"), mais aussi dans un certain cinéma américain grunge des années quatre-vingt-dix (comme "The Crow" ou "Strange Days").
Renata y est une paumée hystérique et toxicomane (le libraire Jakob Glock est son dealer) n'hésitant pas à se scarifier. Son Ruprecht est ici un représentant de commerce sans envergure, un looser cynique puis amoureux qui va tenter de la sauver (en vain) de ses souvenirs traumatiques.
Mariusz Trelinski, directeur artistique de l'Opéra national de Pologne, propose pour sa première mise en scène au Festival d'Aix une réécriture noire et rock du chef-d'œuvre de Prokofiev. Une proposition qui ancre ses références dans le cinéma d'un David Lynch, d'un Krzystof Kieslowski ou d'un Andrzej Zulawski (période "Possession"), mais aussi dans un certain cinéma américain grunge des années quatre-vingt-dix (comme "The Crow" ou "Strange Days").
Renata y est une paumée hystérique et toxicomane (le libraire Jakob Glock est son dealer) n'hésitant pas à se scarifier. Son Ruprecht est ici un représentant de commerce sans envergure, un looser cynique puis amoureux qui va tenter de la sauver (en vain) de ses souvenirs traumatiques.
© Pascal Victor/artcompress.
Dans un superbe et sombre décor urbain troué par les néons des enseignes (dû à Boris Kudlicka) où les espaces mouvants séparent plus qu'ils ne réunissent les personnages (somptueusement éclairés par Felice Ross), le metteur en scène polonais décrit l'errance de naufragés de la vie et de l'amour. Dans ce théâtre mental de la folie traversé d'hallucinations et de terreur, il suggère que face à ces solitaires "l'on s'émerveille de notre impuissance face à la vie" (Note d'intention). Un propos en totale adéquation avec l'esprit de l'opéra, qui se voit ici conférer une résonance très contemporaine - exactement dans la ligne éditoriale du festival qui fête ses soixante-dix ans cette année.
Si le chef Kazushi Ono ne parvient que de loin en loin à insuffler à la partition la sauvagerie et la violence idoines, les pupitres de l'Orchestre de Paris se montrent souvent remarquables en maintenant une tension et une énergie rythmique, en parsemant cette grande traversée symphonique d'événements sonores puissants. Mais l'ennui s'installe aussi parfois - par manque de vision de cet excellent chef ?
Parmi les chanteurs aux prestations de bonne tenue, la soprano Ausrine Stundyté (remarquée à Lyon en Lady Macbeth de Minsk) domine un des rôles les plus épuisants du répertoire dramatique. Ce rôle d'une étendue diabolique lui permet de montrer ses qualités d'incarnation, d'engagement, de labilité vocale (essentielle ici) et d'endurance. On notera aussi le talent du Chœur de l'Opéra de Varsovie dans une scène finale d'anthologie offrant une des scènes les plus impressionnantes qu'on ait vues. Nous ne sommes pas prêts d'oublier ce désastre explosif comme le vénéneux univers cinétique si particulier de Mariusz Trelinski.
Du 5 au 15 juillet 2018 à 19 h 30.
Diffusion en direct sur France Musique le 13 juillet 2018 à 19 h 30.
Diffusion en léger différé sur Culturebox le 15 juillet à 20 h 30.
Concert le 22 juillet 2018 à 17 h de l'Orchestre des Jeunes de la Méditerranée (direction Kazushi Ono) en direct sur la chaîne Youtube du Festival d'Aix.
Si le chef Kazushi Ono ne parvient que de loin en loin à insuffler à la partition la sauvagerie et la violence idoines, les pupitres de l'Orchestre de Paris se montrent souvent remarquables en maintenant une tension et une énergie rythmique, en parsemant cette grande traversée symphonique d'événements sonores puissants. Mais l'ennui s'installe aussi parfois - par manque de vision de cet excellent chef ?
Parmi les chanteurs aux prestations de bonne tenue, la soprano Ausrine Stundyté (remarquée à Lyon en Lady Macbeth de Minsk) domine un des rôles les plus épuisants du répertoire dramatique. Ce rôle d'une étendue diabolique lui permet de montrer ses qualités d'incarnation, d'engagement, de labilité vocale (essentielle ici) et d'endurance. On notera aussi le talent du Chœur de l'Opéra de Varsovie dans une scène finale d'anthologie offrant une des scènes les plus impressionnantes qu'on ait vues. Nous ne sommes pas prêts d'oublier ce désastre explosif comme le vénéneux univers cinétique si particulier de Mariusz Trelinski.
Du 5 au 15 juillet 2018 à 19 h 30.
Diffusion en direct sur France Musique le 13 juillet 2018 à 19 h 30.
Diffusion en léger différé sur Culturebox le 15 juillet à 20 h 30.
Concert le 22 juillet 2018 à 17 h de l'Orchestre des Jeunes de la Méditerranée (direction Kazushi Ono) en direct sur la chaîne Youtube du Festival d'Aix.
© Pascal Victor/artcompress.
Grand Théâtre de Provence.
Avenue Max Juvénal Aix-en-Provence (13).
Tel : 08 20 922 923.
>> festival-aix.com
"L'Ange de feu" (1954).
Opéra en cinq actes.
Musique et livret de S. Prokofiev (1891-1953).
En russe surtitré en français et en anglais.
Durée : 3 h (avec un entracte).
Avenue Max Juvénal Aix-en-Provence (13).
Tel : 08 20 922 923.
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"L'Ange de feu" (1954).
Opéra en cinq actes.
Musique et livret de S. Prokofiev (1891-1953).
En russe surtitré en français et en anglais.
Durée : 3 h (avec un entracte).
© Pascal Victor/artcompress.