© Festival d'Aix-en-Provence.
C'est un étrange message de l'au-delà que semble nous envoyer Gerard Mortier avec ce diptyque tout à fait inédit à Aix (et donc en France) formé par deux oeuvres méconnues - et souvent mésestimées par les spécialistes - de deux compositeurs russes : "Iolanta" de Piotr Ilitch Tchaïkovski, un opéra de chambre en un acte de 1892, et "Perséphone" de Igor Feodorovitch Stravinski, un court mélodrame chorégraphique (1) de 1934. Qu'est-ce qui peut rapprocher ces deux partitions aux sujets si dissemblables jouées ici dans la même soirée et avec le même décor (2) ? Tout ! Comme le démontre brillamment le travail des deux enfants terribles de l'opéra : le jeune chef grec Teodor Currentzis et le brillant metteur en scène Peter Sellars, révélateur d'artistes pour le monde entier (tel le vidéaste Bill Viola).
L'argument de chacune des œuvres telles qu'elles nous sont présentées à nouveau à Aix pourrait se résumer ainsi : la princesse Iolanta, aveugle de naissance, recouvre la vue grâce à l'amour du comte Vaudémont pour mieux accéder au paradis des "chérubins", dans une mystique et extatique contemplation du divin, quand la princesse Perséphone consent à séjourner dans les ténèbres en renonçant à la lumière et à la vitalité du monde des vivants une partie de l'année par charité pour le peuple des ombres affligées, éternellement condamnées aux enfers (qu'elle console). Une phrase du livret de Modeste Tchaîkovski (frère de Piotr) pourrait servir de sous-titre à cette superbe production : "Il est possible que le désir fasse naître la lumière dans l'obscurité."
L'argument de chacune des œuvres telles qu'elles nous sont présentées à nouveau à Aix pourrait se résumer ainsi : la princesse Iolanta, aveugle de naissance, recouvre la vue grâce à l'amour du comte Vaudémont pour mieux accéder au paradis des "chérubins", dans une mystique et extatique contemplation du divin, quand la princesse Perséphone consent à séjourner dans les ténèbres en renonçant à la lumière et à la vitalité du monde des vivants une partie de l'année par charité pour le peuple des ombres affligées, éternellement condamnées aux enfers (qu'elle console). Une phrase du livret de Modeste Tchaîkovski (frère de Piotr) pourrait servir de sous-titre à cette superbe production : "Il est possible que le désir fasse naître la lumière dans l'obscurité."
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Visuellement à couper le souffle, vocalement excellente, musicalement envoûtante, on n'est pas prêt d'oublier cette production d'une force assez peu commune et qui se révèle être une expérience émotionnelle et sensible très riche. Quatre portiques et une utilisation virtuose de la lumière et des couleurs (due au vieux complice de Sellars James, F. Ingalls) suffisent à nous enlever de notre réalité et à nous précipiter dans les hauteurs métaphysiques de cette fable en deux volets. Qui se veut aussi une réflexion sur les ténèbres de l'âme et ses possibles salut ou consolation.
La soirée est inoubliable aussi grâce à la merveilleuse partition élégiaque de Tchaïkovski - et comme il s'agit d'expression lyrique du vertige intérieur, nous sommes souvent en larmes (comme il le voulait). La musique est servie avec art par l'orchestre de l'opéra national de Lyon dirigé en cette dernière représentation par Andréi Danilov (Currentzis étant souffrant) et une distribution de chanteurs tous remarquables.
La soirée est inoubliable aussi grâce à la merveilleuse partition élégiaque de Tchaïkovski - et comme il s'agit d'expression lyrique du vertige intérieur, nous sommes souvent en larmes (comme il le voulait). La musique est servie avec art par l'orchestre de l'opéra national de Lyon dirigé en cette dernière représentation par Andréi Danilov (Currentzis étant souffrant) et une distribution de chanteurs tous remarquables.
© Festival d'Aix-en-Provence.
Si la prononciation russe de Sir Willard White en docteur Ibn-Hakia n'est pas toujours convaincante, son charisme n'a d'égal que celui de la basse Dmitry Ulianov dans le rôle du roi René, père de Iolanta - dont l'incroyable tessiture est digne des plus grands rôles. Leurs ariosos ont été acclamés à juste titre comme ceux du duo formé par la grande Ekaterina Scherbachenko, lumineuse Iolanta avec son parfait soprano legato, et le ténor polonais Arnold Rutkowski - qui réussit à donner force et émotion à un personnage bien fade (le chevalier Vaudémont). Tout le reste de la distribution est à l'avenant - et la performance du chœur et de la maîtrise de l'opéra de Lyon dans les deux œuvres est fabuleuse.
Car cette "Perséphone" de Stravinski (sur un livret de Gide) est un objet musical des plus insolites : un chanteur-narrateur (le ténor Paul Groves), un double chœur et une danseuse-récitante dans le rôle de la fille de Déméter soutenus par un orchestre plutôt sage pour le compositeur du "Sacre du printemps". Cette œuvre hybride (en fait peu opératique), considérée par beaucoup comme mineure, est ici transcendée par une idée géniale : doubler les personnages principaux par des danseurs classiques khmers. Ce ballet que d'aucuns dénigrent dans l'œuvre devient alors quasiment l'enjeu central.
Car cette "Perséphone" de Stravinski (sur un livret de Gide) est un objet musical des plus insolites : un chanteur-narrateur (le ténor Paul Groves), un double chœur et une danseuse-récitante dans le rôle de la fille de Déméter soutenus par un orchestre plutôt sage pour le compositeur du "Sacre du printemps". Cette œuvre hybride (en fait peu opératique), considérée par beaucoup comme mineure, est ici transcendée par une idée géniale : doubler les personnages principaux par des danseurs classiques khmers. Ce ballet que d'aucuns dénigrent dans l'œuvre devient alors quasiment l'enjeu central.
© Festival d'Aix-en-Provence.
C'est si éblouissant qu'on ne voit pas les cinquante minutes de ce petit mélodrame passer (on en oublie qu'il est plus faible que l'opéra de Tchaïkovski). Et le metteur en scène a la bonne idée d'amplifier la voix de Dominique Blanc récitante, réglant ainsi les problèmes de mince volume de la voix et de manque de souffle, constatés dans sa "Phèdre" chez Chéreau, pour rehausser cette diction chantante gracieuse qui lui est si particulière. Cette "Iolanta/Perséphone" est bien un souverain cadeau venu du ciel pour nous consoler.
(1) Le genre du mélodrame chorégraphique date du XVIIIe siècle.
(2) Les deux héroïnes portent la même robe bleue aux plissés qui rappellent l'antique.
Reprise en mai 2016 à l'Opéra national de Lyon.
"Iolanta" (1892).
Opéra en un acte.
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovski.
Livret : Modeste Tchaïkovski.
Livret russe en français surtitré.
"Perséphone" (1934).
Mélodrame en trois scènes.
Musique : Igor Stravinski.
Livret : André Gide.
En français.
Andréi Danilov, direction musicale.
Peter Sellars, mise en scène.
George Tsypin, décors.
Martin Pakledinaz, costumes.
James F. Ingalls, lumières.
(1) Le genre du mélodrame chorégraphique date du XVIIIe siècle.
(2) Les deux héroïnes portent la même robe bleue aux plissés qui rappellent l'antique.
Reprise en mai 2016 à l'Opéra national de Lyon.
"Iolanta" (1892).
Opéra en un acte.
Musique : Piotr Ilitch Tchaïkovski.
Livret : Modeste Tchaïkovski.
Livret russe en français surtitré.
"Perséphone" (1934).
Mélodrame en trois scènes.
Musique : Igor Stravinski.
Livret : André Gide.
En français.
Andréi Danilov, direction musicale.
Peter Sellars, mise en scène.
George Tsypin, décors.
Martin Pakledinaz, costumes.
James F. Ingalls, lumières.
© Festival d'Aix-en-Provence.
Ekaterina Scherbachenko, Iolanta.
Dmitry Ulianov, le roi René.
Maxim Aniskin, Robert.
Arnold Rutkowski, Vaudémont.
Willard White, Ibn-Hakia.
Diana Montague, Martha.
Dominique Blanc, Perséphone.
Paul Groves, Eumolpe.
Amrita Performing Arts, danseurs (Sathya Sam, Sodhachivy Chumvan, Chan Sithyka Khon, Narim Nam).
Orchestre, chœur et maîtrise de l'Opéra de Lyon.
Bohdan Shved, Chef des chœurs.
Dmitry Ulianov, le roi René.
Maxim Aniskin, Robert.
Arnold Rutkowski, Vaudémont.
Willard White, Ibn-Hakia.
Diana Montague, Martha.
Dominique Blanc, Perséphone.
Paul Groves, Eumolpe.
Amrita Performing Arts, danseurs (Sathya Sam, Sodhachivy Chumvan, Chan Sithyka Khon, Narim Nam).
Orchestre, chœur et maîtrise de l'Opéra de Lyon.
Bohdan Shved, Chef des chœurs.