© Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon.
C'est autour de cet argument dramatique, servant de "pré-texte" à sa nouvelle création, que la metteuse en scène Caroline Guiela Nguyen revient à Avignon avec son "Conte Fantastique", deuxième volet d'un cycle dédié à la "Fraternité". Dès que le rideau s'ouvre, dévoilant l'intérieur d'un Centre de soins et de consolation dont on ne sortira pas - ni nous, ni les protagonistes -, on retrouve la signature de celle qui a su nous enchanter en 2017 avec son remarquable et fort remarqué "Saïgon".
Même atmosphère enveloppante, mêmes lumières enivrantes, mêmes musiques émotionnelles, même vérité des acteurs, mêmes tables dressées (là les chaises sont vides, attendant leurs convives)… sauf que nous ne sommes ni à Saïgon en 1956, ni à Paris en 1996, mais dans un temps futur sans horizon d'attente autre que celui des disparus. Ce qui les relie symboliquement à eux, suite à "la Grande éclipse" qui a englouti leurs proches dans un trou noir, c'est cette cabine aux cloisons et au plafond de verre où chacun dispose d'une minute trente précieuses pour enregistrer "son" message au frère, à la sœur, au parent, à l'ami(e), pour lui dire que l'on ne l'oublie pas. Un sas entre deux mondes aux antipodes.
Même atmosphère enveloppante, mêmes lumières enivrantes, mêmes musiques émotionnelles, même vérité des acteurs, mêmes tables dressées (là les chaises sont vides, attendant leurs convives)… sauf que nous ne sommes ni à Saïgon en 1956, ni à Paris en 1996, mais dans un temps futur sans horizon d'attente autre que celui des disparus. Ce qui les relie symboliquement à eux, suite à "la Grande éclipse" qui a englouti leurs proches dans un trou noir, c'est cette cabine aux cloisons et au plafond de verre où chacun dispose d'une minute trente précieuses pour enregistrer "son" message au frère, à la sœur, au parent, à l'ami(e), pour lui dire que l'on ne l'oublie pas. Un sas entre deux mondes aux antipodes.
© Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon.
Moments d'une intensité émotionnelle (in)humaine - simultanément joué dans la cabine et projeté sur grand écran - où chacun s'efforce de sourire à l'absent qui, quelque part dans l'univers, entre les constellations, entendra hypothétiquement sa voix… un jour. Du père aimant, offrant à sa jeune fille l'espoir lumineux de revoir sa maman, au vieux monsieur maghrébin éternellement amoureux de sa chère disparue à qui il dit des poèmes, à cette mère-courage bouleversée par l'enfant qui lui fut ravi, à cette jeune fille empathique envoyant des messages tous azimuts, toutes et tous n'ont de cesse autant de se consoler, par une parole aux vertus libératrices, que de consoler le disparu de leur propre absence.
Sauf que ce dispositif, si performant soit-il, ne va pas sans créer lui-même des perturbations telles en chacun que d'autres ressources à visée thérapeutique (danse consolatrice, cantique des absents, groupes de paroles, paniers-repas) l'étayent. Mais, inventées et soutenues par le collectif, ces ressources se révèlent impuissantes à éradiquer la souffrance individuelle. Avoir à faire le deuil d'un être cher sans savoir s'il est vraiment mort est de l'ordre de l'impensable, cela génère des culpabilités destructrices se traduisant sur le plateau par des épisodes de violences cathartiques.
Espoir fou de revoir les disparus lors d'une éclipse salvatrice, qui déferait ce que la première avait pu faire, alterne avec déception à venir, jusqu'à ce qu'un nouvel événement ne vienne précipiter (au sens chimique) le drame… N'y aurait-il pas corrélation entre les battements affaiblis des cœurs de chacun, épuisé, et la marche de l'univers se détraquant à la vitesse grand V, comme si le cosmos répondait en miroir à la détresse grandissante ? Alors, il faudra redoubler d'imagination pour tenter, envers et contre les lois de l'univers, de renverser la situation… Mais la solution - elle existe, "grâce" aux hautes technologies - n'est-elle pas une aporie prétendant apporter le salut… en sacrifiant l'objet même de la quête ?
Dilemme se résolvant dans les larmes et les déchirements nerveux, l'opération définitive du reset n'étant pas sans coût. Comme un thriller, l'action progresse vers un dénouement rebattant les cartes de la temporalité. Sans rien trahir de la chute, le beau visage souriant de Leïla, l'épouse chérie du vieil homme inconsolable, apparaîtra sur l'écran, là où les Terriens survivants parlaient aux disparus. Son prénom renvoie, en littérature, à la nuit la plus longue de l'année…
Sauf que ce dispositif, si performant soit-il, ne va pas sans créer lui-même des perturbations telles en chacun que d'autres ressources à visée thérapeutique (danse consolatrice, cantique des absents, groupes de paroles, paniers-repas) l'étayent. Mais, inventées et soutenues par le collectif, ces ressources se révèlent impuissantes à éradiquer la souffrance individuelle. Avoir à faire le deuil d'un être cher sans savoir s'il est vraiment mort est de l'ordre de l'impensable, cela génère des culpabilités destructrices se traduisant sur le plateau par des épisodes de violences cathartiques.
Espoir fou de revoir les disparus lors d'une éclipse salvatrice, qui déferait ce que la première avait pu faire, alterne avec déception à venir, jusqu'à ce qu'un nouvel événement ne vienne précipiter (au sens chimique) le drame… N'y aurait-il pas corrélation entre les battements affaiblis des cœurs de chacun, épuisé, et la marche de l'univers se détraquant à la vitesse grand V, comme si le cosmos répondait en miroir à la détresse grandissante ? Alors, il faudra redoubler d'imagination pour tenter, envers et contre les lois de l'univers, de renverser la situation… Mais la solution - elle existe, "grâce" aux hautes technologies - n'est-elle pas une aporie prétendant apporter le salut… en sacrifiant l'objet même de la quête ?
Dilemme se résolvant dans les larmes et les déchirements nerveux, l'opération définitive du reset n'étant pas sans coût. Comme un thriller, l'action progresse vers un dénouement rebattant les cartes de la temporalité. Sans rien trahir de la chute, le beau visage souriant de Leïla, l'épouse chérie du vieil homme inconsolable, apparaîtra sur l'écran, là où les Terriens survivants parlaient aux disparus. Son prénom renvoie, en littérature, à la nuit la plus longue de l'année…
© Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon.
Opéra choral (musique envoûtante jouant un grand rôle), composition plastique, high-tech, vidéo, jeu corporel, musique, slam, tout participe à une œuvre collective réunissant hommes et femmes de tous horizons, de toutes langues (anglais, arabe, français, vietnamien) et de toutes générations (de 18 à 82 ans), célébrant ainsi dans le soin qu'ils portent les uns aux autres le beau nom de "fraternité" (et de Sororité, la même Humanité). "Fraternité", dont les lettres avaient urgemment besoin d'être redorées car, si ce mot parade toujours aux frontispices de la république, ses lettres sont lourdes du déni des drames de Mare Nostrum, notre Méditerranée, regorgeant de cadavres de migrants.
Un "Conte fantastique" à plus d'un titre, esthétiquement séduisant, haletant comme un thriller, profondément humain, avec peut-être la réserve d'une tendance parfois à nous faire trop pleurer… Mais, là, commence une autre histoire, celle de notre sensibilité mise en jeu.
Vu à la Fabrica à Avignon le vendredi 9 juillet 2021 à 15 h.
Un "Conte fantastique" à plus d'un titre, esthétiquement séduisant, haletant comme un thriller, profondément humain, avec peut-être la réserve d'une tendance parfois à nous faire trop pleurer… Mais, là, commence une autre histoire, celle de notre sensibilité mise en jeu.
Vu à la Fabrica à Avignon le vendredi 9 juillet 2021 à 15 h.
"Fraternité, Conte Fantastique"
Création - spectacle en français, arabe, vietnamien, anglais, surtitré en français et en anglais.
Texte : Caroline Guiela Nguyen avec l'ensemble de l'équipe artistique.
Mise en scène : Caroline Guiela Nguyen.
Avec : Dan Artus, Saadi Bahri, Boutaïna El Fekkak, Hoonaz Ghojallu, Maïmouna Keita, Nanii, Elios Noël, Alix Petris, Saaphyra, Vasanth Selvam, Anh Tran Nghia, Hiep Tran Nghia, Mahia Zrouki.
Dramaturgie : Hugo Soubise, Manon Worms.
Collaboration artistique : Claire Calvi.
Scénographie : Alice Duchange.
Costumes : Benjamin Moreau.
Lumière : Jérémie Papin.
Musique et son : Teddy Gauliat-Pitois (composition), Antoine Richard (réalisation et composition).
Vidéo : Jérémie Scheidler.
Surtitrage : Panthéa.
Durée : 3 h 15 avec entracte.
"Fraternité, Conte Fantastique" de Caroline Guiela Nguyen sera publié aux éditions Actes Sud en 2022.
•Avignon In 2021•
Du 6 au 14 juillet 2021.
Tous les jours à 15 h, relâche le 10 juillet.
La Fabrica, Avignon (84).
>> festival-avignon.com
Réservations : 04 90 14 14 14 .
Texte : Caroline Guiela Nguyen avec l'ensemble de l'équipe artistique.
Mise en scène : Caroline Guiela Nguyen.
Avec : Dan Artus, Saadi Bahri, Boutaïna El Fekkak, Hoonaz Ghojallu, Maïmouna Keita, Nanii, Elios Noël, Alix Petris, Saaphyra, Vasanth Selvam, Anh Tran Nghia, Hiep Tran Nghia, Mahia Zrouki.
Dramaturgie : Hugo Soubise, Manon Worms.
Collaboration artistique : Claire Calvi.
Scénographie : Alice Duchange.
Costumes : Benjamin Moreau.
Lumière : Jérémie Papin.
Musique et son : Teddy Gauliat-Pitois (composition), Antoine Richard (réalisation et composition).
Vidéo : Jérémie Scheidler.
Surtitrage : Panthéa.
Durée : 3 h 15 avec entracte.
"Fraternité, Conte Fantastique" de Caroline Guiela Nguyen sera publié aux éditions Actes Sud en 2022.
•Avignon In 2021•
Du 6 au 14 juillet 2021.
Tous les jours à 15 h, relâche le 10 juillet.
La Fabrica, Avignon (84).
>> festival-avignon.com
Réservations : 04 90 14 14 14 .
© Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon.
Tournée
27 août au 3 septembre 2021 : Dramaten, Stockholm (Suède).
16 septembre au 17 octobre 2021 : Odéon-Théâtre de l'Europe, Paris.
28 au 31 octobre 2021 : Centro Dramático Nacional, Madrid (Espagne).
8 au 9 novembre 2021 : Le Parvis, Ibos (65).
23 au 26 novembre 2021 : MC2, Grenoble (38).
1 au 2 décembre 2021 : Théâtre de l'Union, Limoges (87).
8 au 11 décembre 2021 : Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Bruxelles (Belgique).
15 au 18 décembre 2021 : Théâtre de Liège, Liège (Belgique).
6 au 15 janvier 2022 : Célestins - Théâtre de Lyon, Lyon (69).
23 au 28 février 2022 : TNB - Théâtre National de Bretagne, Rennes (35).
9 au 11 mars 2022 : La Comédie de Reims, Reims (51).
17 au 19 mars 2022 : Le Liberté - scène nationale, Châteauvallon, Toulon (83).
24 au 26 mars 2022 : La Criée, Marseille (13).
4 au 5 avril 2022 : Schaubühne, Berlin (Allemagne).
9 au 10 avril 2022 : Thalia Theater : Hamburg, Hamburg (Allemagne).
26 au 27 avril 2022 : São Luiz Teatro Municipal, Lisbonne (Portugal).
2 au 3 mai 2022 : TNB - Théâtre National de Bretagne, Rennes (35).
11 au 13 mai 2022 : La Rose des Vents, Villeneuve-d'Ascq (59).
27 août au 3 septembre 2021 : Dramaten, Stockholm (Suède).
16 septembre au 17 octobre 2021 : Odéon-Théâtre de l'Europe, Paris.
28 au 31 octobre 2021 : Centro Dramático Nacional, Madrid (Espagne).
8 au 9 novembre 2021 : Le Parvis, Ibos (65).
23 au 26 novembre 2021 : MC2, Grenoble (38).
1 au 2 décembre 2021 : Théâtre de l'Union, Limoges (87).
8 au 11 décembre 2021 : Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Bruxelles (Belgique).
15 au 18 décembre 2021 : Théâtre de Liège, Liège (Belgique).
6 au 15 janvier 2022 : Célestins - Théâtre de Lyon, Lyon (69).
23 au 28 février 2022 : TNB - Théâtre National de Bretagne, Rennes (35).
9 au 11 mars 2022 : La Comédie de Reims, Reims (51).
17 au 19 mars 2022 : Le Liberté - scène nationale, Châteauvallon, Toulon (83).
24 au 26 mars 2022 : La Criée, Marseille (13).
4 au 5 avril 2022 : Schaubühne, Berlin (Allemagne).
9 au 10 avril 2022 : Thalia Theater : Hamburg, Hamburg (Allemagne).
26 au 27 avril 2022 : São Luiz Teatro Municipal, Lisbonne (Portugal).
2 au 3 mai 2022 : TNB - Théâtre National de Bretagne, Rennes (35).
11 au 13 mai 2022 : La Rose des Vents, Villeneuve-d'Ascq (59).
© Christophe Raynaud de Lage/Festival d'Avignon.