Cirque & Rue

Golgota… Scènes de Passion du Flamenco et du Théâtre, entre gravité et légèreté

"Golgota", Théâtre du Rond-Point, Paris

Bartabas construit un puzzle artistique où la Danse et le Théâtre s’allient avec humour au couple homme-cheval dans un drapé où la religion est parfois taquinée avec espièglerie. Avec le danseur chorégraphe Andrés Marín, le spectacle décline différentes scènes où la gravité se dispute à la légèreté.



Golgota © Nabil Boutros.
Golgotha est le lieu situé à l’extérieur de Jérusalem où les romains crucifiaient les condamnés. C’est à cet endroit, d’après les évangiles, que le Christ aurait été crucifié. La localisation exacte de ce lieu n’a pas été trouvée. Aussi, entre la légende et la religion, c‘est tout un panel artistique que propose Bartabas avec le chorégraphe-danseur Andrés Marín.

Dans "Golgota", Bartabas prend le parti-pris de mêler le silence à l’humour, le recueillement à l’espièglerie, la légèreté à la gravité dans un cadre où la liturgie apparaît de façon intermittente.

Bartabas n’est à aucun moment dans l’esbroufe ou dans le cabotinage. Préférant le silence au bruit, le repos des chevaux à leur galop, il allie différents rythmes autant théâtraux que dansés.

De ces chevaux, de l’aspect équestre, il y a un dressage assurément de l’homme sur l’animal mais ce n’est pas cela que Bartabas veut montrer. C’est bien autre chose. C’est cette relation entre l’homme et son cheval, cette complicité, ce vivre-ensemble entre Culture et Nature, Culture, incarnée par l’homme, et Nature, incarnée par les chevaux, comme frères de souche, sans que l’un ne se fasse au détriment de l’autre.

Golgota © Nabil Boutros.
Les scènes semblent simples dans leur exécution artistique. Mais ce qui fait l’originalité du spectacle, la force de "Golgota", c’est sa composition. Ce sont ces différentes scènes orchestrées savamment pour faire cohabiter différents Arts : Théâtre, Danse et Équestre. Les scènes sont nourries d’originalité. Elles recèlent toutes, ou presque, une pointe d’espièglerie, d’humour, de jeu, accompagnées de mises en scène toujours théâtrales. Andrés Marín joue un crucifié, un remake sans doute de la Passion du Christ, cloué à sa croix, seul et sans secours. La barbe de plusieurs jours fait penser indubitablement au Christ. Rien de sacrilège dans l’exercice si tant est qu’il y aurait sacrilège si l’Art se mêle de se piquer de religion.

Ces jeux de pieds, de palmas, ces mains qui tapent sur le thorax et les cuisses dans les solos d’Andrés Marín restent dans le domaine du beau, de l’agréable, du Flamenco, de l’Art. Soit. Mais ce qu’apporte Andrés Marín, c’est bien autre chose. Palmas et taconeos restent les deux axes, et, ce, quelque soit le compas, de tout solo de Flamenco. Ce qui devient original, c’est quand Andrés Marín porte la petite scène sur laquelle il va faire ses solos comme sa croix, sa pénitence, sa délivrance. Ce qui devient intéressant, c’est quand les taconeos, normalement effectués par les membres inférieurs du danseur, deviennent des tapotements de doigts chaussés de revêtements cloutés. L’exercice ne semble pas complexe à effectuer. Il est juste original et donne un cachet, une touche, une originalité au spectacle.

Golgota © Nabil Boutros.
De bout en bout, la prestation artistique est agréable, avec des pauses toutefois un peu trop longues. Comme des tranches de scènes que Bartabas souhaitait faire attendre pour leur donner plus de force. Tout s’encastre dans des moments, parfois, un peu trop hachés par le silence, par la pause, par le "recueillement".

Il y a aussi ce "valet", ce "servant", nain de son état en la personne de Pierre Estorges pour donner à sa charge une valeur plus que symbolique, plus que marginale à son statut et qui allume les cierges en début de spectacle, faisant des signes de croix de moins en moins assassines quand le spectacle commence. Il représente la marginalité, l’Autre que nous délaissons. Il est pourtant l’élément presque central, par ses interventions, sa présence qui apporte aux scènes des touches comiques, toujours décalées, bousculant un "centre", souvent en milieu de scène, toujours assis ou en appui, souvent droit, sûr de son état, incarné par Bartabas et Andrés Marín.

Bartabas fait de son spectacle, un lieu nourri de dissymétries où la marge, incarnée par Pierre Estorges, bouscule le centre, incarné par Andrés Marín et Bartabas, ces derniers toujours dans un tempo, dans un ordonnancement que le hasard ne bouscule pas. Tout est rythme, sonorité, lumière diffuse. C’est l’ordre taquiné par le désordre, le rythme bousculé par la dissymétrie. Le tout est fait dans un concert harmonieux de gestes, à la fois animal, artistique et humoristique.

Le Geste, toujours théâtral, est l’élément central du spectacle. Un Geste qui s’habille à la fois de légèreté et de gravité, de vitesse et de "lenteur". Le puzzle artistique est réussi avec des pièces de Danse, de Théâtre et d’Humour qui s’imbriquent sans à coup. C’est l’homme qui se fait animal, cavalier qui se fait danseur, valet qui devient maître. Les rôles sont inversés.

Aller voir un spectacle de Bartabas est toujours surprenant. Silences et pauses rythment le séquencement des scènes. C’est la gravité et la légèreté qui drapent un spectacle où les scènes s’habillent de beaucoup d’humour.

"Golgota"

Golgota © Nabil Boutros.
Un spectacle de Bartabas.
Chorégraphie et interprétation : Andrés Marín.
Assistante à la mise en scène : Anne Perron.
Musique : "Motets pour voix seule" deTomás Luis de Victoria.
Chant : Christophe Baska (contre-ténor).
Cornet : Adrien Mabire.
Luth : Marc Wolff.
Jeu : Pierre Estorges.
Avec les chevaux Horizonte, Le Tintoret, Soutine, Zurbarán et l’âne Lautrec.
Soins des chevaux : Clémence Plesse, Sophie Guéritée, Clara Chevalier.
Durée : 1 h 15.

Du 14 avril au 11 mai 2014.
Mardi, mercredi, vendredi et samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h.
Théâtre du Rond-Point, Salle Renaud-Barrault, Paris 8e, 01 44 95 98 21.
>> theatredurondpoint.fr

Tournée
22 au 27 mai 2014 : La Coursive, Scène nationale de La Rochelle (17).
2 au 7 juin 2014 : Odyssud, Blagnac (31).
22 au 28 juin 2014 : Les Nuits de Fourvière, Lyon (69).
3 au 5 juillet 2014 : Les Estivales de l’Archipel, Perpignan (66).
15 au 19 juillet 2014 : CNCDC, Châteauvallon (83).
26 et 27 juillet 2014 : Festival Vaison Danse, Vaison-la-Romaine (84).
17 au 20 septembre 2014 : Festival Torino Danza, Turin (Italie).
26 au 28 septembre 2014 : La Filature, Scène nationale de Mulhouse (68).
5 au 8 novembre 2014 : Le Quartz, Scène nationale de Brest (29).
14 au 19 novembre 2014 : Anthéa Antipolis, Théâtre d’Antibes (06).
6 au 15 février 2015 : Opéra National de Bordeaux (33).
26 au 28 février 2015 : Théâtre Municipal, Béziers (34).
27 mars au 1er avril 2015 : Le Phénix, Scène nationale de Valenciennes (59).

Safidin Alouache
Lundi 28 Avril 2014
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