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FAB 2021 "Rain" et "Heroes", deux performeuses - l'une d'origine israélienne, l'autre libanaise - font leur show… Esquisse épurée et excès tapageur, au choix…

Fidèle à la richesse de sa ligne éditoriale, le FAB ouvre à nouveau son "carnet théâtral" à des artistes internationaux venus cette année d'Argentine, de Grèce, d'Espagne, d'Italie, de Belgique, de Suisse… sans oublier Israël et le Liban auxquels un important focus est consacré. Ainsi, les chorégraphes danseuses, Meytal Blanaru et Khouloud Yassine, au style fort différent, ont-elles pu surprendre, voire déconcerter, un public resté partagé face à ces propositions.



"Rain" © Pierre Planchenault.
"Rain" de Meytal Blanaru, danseuse et chorégraphe israélienne établie à Bruxelles, se donne à voir comme un mouvement complexe menant de l'extérieur vers l'intime afin de pouvoir réinvestir un corps - le sien - expurgé des assignations d'un patriarcat désignant le féminin comme objet à sa disposition. Faisant face aux spectateurs la dominant de la hauteur des gradins, yeux croisant fièrement les leurs, pieds campés au sol (dont la blancheur immaculée souligne ses jambes gainées dans un impeccable pantalon noir), la danseuse prend des poses étudiées jouant sensuellement d'une épaule dénudée. Tout en elle renvoie à la grâce quelque peu sophistiquée des mannequins s'affichant sur le papier glacé des magazines de mode.

Et puis, comme par effraction, la musique répétitive dont elle épousait le tempo se dérègle. Ses mouvements fluides construits avec application se désarticulent jusqu'à la précipiter au sol. Sorte de poupée brisée par une violence prédatrice dont on soupçonne l'odieuse nature, elle tente à grand-peine de se relever. Et lorsque, après des efforts surhumains, elle y parviendra, lorsque la musique à nouveau trouera la lourde chape de silence qui la recouvrait, ses attitudes construites par le regard des hommes se seront volatilisées. Le paroxysme des traumatismes rejoué, elle apprend à "redécouvrir" un corps qui lui avait été de tout temps ravi. Elle semble renaître à elle-même, dans sa vérité recouvrée de femme à part entière.

"Heroes" © Greg Demarque.
La proposition chorégraphiée au millimètre s'inscrit dans un parcours au long cours de reconquête de soi, projet dans lequel la danse semble jouer tout son rôle. Aussi l'intime, pour être rendu encore plus palpable, peut-être aurait-il eu besoin d'une plus grande proximité avec le public, le plateau paraissant à cet égard surdimensionné pour qu'ait lieu, autant que désiré, le tête-à-tête sensible.

"Heroes" de Khouloud Yassine, chorégraphe, danseuse et comédienne libanaise, n'économise, elle, aucun moyen (!) pour projeter sur le ring les figures omnipotentes des héros qui l'habitent. Les spectateurs pressés à ses pieds, dans "une arène" semi-circulaire, faisant eux office d'adorateurs sommés d'applaudir en cadence ses saillies.

Tout en elle renvoie à une femme maîtresse (de cérémonie) peu encline à se laisser disputer le pouvoir des héros qu'elle endosse avec une jouissance à fleur de peau. Que ce soit la pop star obnubilée par les cris d'extase de ses groupies, le sportif exhibant fièrement ses muscles bandés ou le politicien haranguant la foule avec fureur (!), tous sont campés sans nuances aucune, caricaturés à l'envi, comme si le trop-plein des figures héroïques incarnées avec une outrance glorieusement assumée débordait à flot continu dans la salle pour convaincre de la légitimité du projet : montrer que le pouvoir s'incarne dans des postures corporelles radicales.

"Heroes" © Greg Demarque.
Portée par la musique électro à fond les manettes succédant aux silences assourdissants, la comédienne ne se lasse pas - avec un contentement de soi non dissimulé - de multiplier les clins d'œil se voulant complice et les mains tendues à l'adresse d'un public pris réellement en otage, dans une parade prétendant haut et fort parodier ce qu'elle-même représente, une artiste en quête de "reconnaissance héroïque".

C'est peu dire que cette "re-présentation" par trop dénuée de subtilité ne nous a pas entièrement convaincus quant à sa pertinence artistique… Et ce n'est pas la figure finale du boxeur au sol, terrassé par un coup de trop, qui remettra en perspective la glorification de ce qu'elle prétendait dénoncer : le culte toxique du héros.

"Rain"

"Rain" © Pierre Planchenault.
Concept et chorégraphie : Meytal Blanaru.
Performance : Meytal Blanaru.
Musique : Benjamin Sauzereau.
Dramaturgie : Olivier Hespel.
Production : Fathom High Asbl.
Durée : 25 minutes.

Vu le vendredi 8 octobre 2021, à 19 h, à La Manufacture CDCN de Bordeaux, dans le cadre du festival FAB 2021.

Tournée
Novembre 2021 : Touka Danses - CDCN, Rémire-Montjoly, Guyane Française (97).
Du 13 au 15 janvier 2022 : Festival Écoute et Voir, Tours (37).
20 et 21 janvier 2022 : Pole-Sud - CDCN, Strasbourg (67).

"Heroes"

"Heroes" © Greg Demarque.
Première française.
Concept et chorégraphie : Khouloud Yassine.
Interprétation : Khouloud Yassine.
Musique : Khaled Yassine.
Scénographie : Fadi Yeniturk.
Musiciens : Elie Afif, Khaled Yassine.
Collaboration à l'écriture et la dramaturgie : Wael Ali.
Durée : 50 minutes.

Vu le vendredi 8 octobre 2021 à 21 h, sur le parvis du centre d'architecture Arc en Rêve, Entrepôt Lainé, Bordeaux, dans le cadre du festival FAB 2021.

FAB - 6e Festival International des Arts de Bordeaux Métropole.
Du 1er au 23 octobre 2021.
9 rue des Capérans, Bordeaux (33).
Billetterie : 09 82 31 71 30.
contact@festivalbordeaux.com

>> fab.festivalbordeaux.com

Yves Kafka
Mardi 19 Octobre 2021
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