Théâtre

Exploration de la jeunesse de Camille Claudel, femme créatrice au destin tragique

"Claudel", Athénée Théâtre Louis Jouvet, Paris

Toute la jeunesse de la géniale artiste est exposée ici, presque à nu. Son ambition artistique, ses luttes pour imposer la place des femmes dans la sculpture et plus largement dans la société française ; et ses heurts et conflits avec l'esprit étriqué de sa famille sont le fond de trame principal de l'histoire qui nous est tricotée ici.



© Christine Coquilleau.
Une manière de semer tous les indices capables d'expliquer, d'une part, sa "folie", d'autre part, la condamnation au silence et à l'isolement qu'elle subira les trente dernières années de sa vie.

C'est finalement une histoire prise entre les hommes comme si ceux-ci étaient les deux parenthèses d'une vie qui finira brisée. Elle commence par la rencontre avec Auguste Rodin et se termine avec la mort de son père. Les deux hommes qui crurent en elle, qui l'aimèrent et la soutinrent.

La pièce commence par la rencontre de Camille et de son mentor dans l'atelier où elle pratiquait son art. Dans un décor de toiles tâchées par l'argile et le plâtre, on découvre la jeune femme de vingt ans en plein travail, avec deux de ses camarades. Protégées de la sécheresse par d'autres toiles, les statues d'argile sur lesquelles elles travaillent dissimulent en fait deux danseuses et un danseur qui, tout au long de la pièce, vont poser, le corps nu recouvert de collants et poudrés de blanc.

© Christine Coquilleau.
C'est la grande force de ce spectacle que de donner vie à la recherche fondamentale de Camille : outre son obsession de l'exactitude de la représentation des corps, c'est à l'expression des sentiments humains que s'attachaient ses recherches. Et c'est cela qu'elle a réussi à transmettre à la matière inerte : l'émotion, l'instant palpitant de vie, le mouvement créé par l'impulsion plus que la pose esthétique de la statuaire classique.

L'interprétation de Célia Catalifo dans le rôle-titre est portée par l'émotion. Elle a la fraîcheur, la sensibilité et le talent d'actrice nécessaire à l'incarnation de ce rôle. Les autres interprètes façonnent avec efficacité leurs personnages, la mère de Camille, Auguste Rodin, aux caractères moins complexes. Quant au tortueux frère, Paul Claudel, il est interprété avec beaucoup d'habileté et d'invention par Clovis Fouin.

Le petit point faible du spectacle est la structure du texte écrit par Wendy Beckett. Écrite en scènes courtes, un peu à la manière d'un biopic destiné au cinéma, la pièce insiste sur l'époque, fin du XIXe, début du XXe, avec force robes à faux-culs et autres costumes comme une reconstitution. Cette construction et ces choix de mises en scène donnent un rythme mécanique au spectacle qui le ralenti.

Mais ce détail est vite gommé par la forte conviction des interprètes qui nous font vivre avec intensité et esthétisme le destin tragique et le début du chemin de croix de Camille Claudel, martyr de son époque, de l'esprit bourgeois de sa famille, et de la douleur infligée par sa grande déception amoureuse et la violence faite à son corps à cause de l'esprit bien-pensant de l'époque.

"Claudel - Camille Claudel de l'ascension à la chute"

© Christine Coquilleau.
Écrit et mis en scène : Wendy Beckett.
Avec : Célia Catalifo, Marie-France Alvarez, Marie Brugière, Swan Demarsan, Sébastien Dumont, Audrey Evalaum, Clovis Fouin, Christine Gagnepain, Mathilde Rance.
Chorégraphies : Meryl Tankard.
Traduction : Park Krausen, Christof Veillon.
Scénographie : Halcyon Pratt.
Projections : Régis Lansac.
Costumes : Sylvie Skinazi.
Lumière : François Leneveu.
Durée : 1 h 50.

Du 7 au 24 mars 2018.
Mardi à 19 h, du mercredi au samedi à 20 h, dimanche 16 h.
Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Paris 9e, 01 53 05 19 19.
>> athenee-theatre.com

Bruno Fougniès
Mercredi 14 Mars 2018
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