"Exode" © Dorian Fos.
"Exode" s'attaque à un sujet traversant les époques et collant à notre peau comme un érythème chronique migrant. Que ce soit l'exode vécu par les ressortissants des pays en guerre ou celui auquel sont immanquablement confrontés les naufragés économiques, les mêmes objets balisent ces itinéraires de l'errance en quête d'un ailleurs plus hospitalier.
Sur le plateau à hauteur de salle, émergeant de la pénombre qui les recouvrait, des vêtements disparates s'entassent pêle-mêle. Sont-ce les hardes des errants ou leurs pauvres dépouilles réincarnées ? Au centre du cercle qu'elles délimitent, un danseur, assis en tailleur, trône en majesté dérisoire. En arrière-plan, des valises en carton bouilli complètent le décor de l'exode.
Accompagné d'une musique live et de la voix aux accents vibrants d'émotions palpables d'Émilie Caumont, Thomas Queyrens va "jouer" les figures chorégraphiées de la lutte pour la survie. Un surplace épuisant, réclamant de son corps élans vers le ciel et retombées fracassantes au sol. Faisant montre d'une énergie décuplée menant jusqu'au réel épuisement, l'angoisse distordant son visage dans des effets cinématographiques avérés, celui qui se débat devant nous… reste à l'extérieur de notre zone de confort sans la mettre en aucun cas à mal.
Sur le plateau à hauteur de salle, émergeant de la pénombre qui les recouvrait, des vêtements disparates s'entassent pêle-mêle. Sont-ce les hardes des errants ou leurs pauvres dépouilles réincarnées ? Au centre du cercle qu'elles délimitent, un danseur, assis en tailleur, trône en majesté dérisoire. En arrière-plan, des valises en carton bouilli complètent le décor de l'exode.
Accompagné d'une musique live et de la voix aux accents vibrants d'émotions palpables d'Émilie Caumont, Thomas Queyrens va "jouer" les figures chorégraphiées de la lutte pour la survie. Un surplace épuisant, réclamant de son corps élans vers le ciel et retombées fracassantes au sol. Faisant montre d'une énergie décuplée menant jusqu'au réel épuisement, l'angoisse distordant son visage dans des effets cinématographiques avérés, celui qui se débat devant nous… reste à l'extérieur de notre zone de confort sans la mettre en aucun cas à mal.
"Exode" © Dorian Fos.
Pourtant, les gestes impeccables répondent aux canons de la chorégraphie et sont effectués "sans frémir"… de l'intérieur. C'est là, précisément, dans cette "(dé) monstration" aux effets ostentatoires, que réside le point d'achoppement. La profusion de gestes techniques enchaînés sans relâche, donne l'impression d'une gesticulation vidée de "sens". Un peu comme ces illustrations manquées de livres d'enfants où le dessinateur s'applique à coller au texte pour "mieux faire comprendre", sans offrir aucunement la possibilité d'une ouverture qui mettrait en branle l'imaginaire créatif du regardeur.
À trop vouloir en faire, "Exode" - animé de bonnes intentions certes mais cousu de fil blanc, un comble… eu égard à la quantité de vêtements étalés - manque son louable objectif, nous laissant sur la rive de l'exil sans avoir pu le rejoindre. À suivre…
"Muage", sur une musique originale de Bastien Fréjaville, nous conte une autre face de l'exil : celle de deux êtres, exilés hors de leurs frontières mais aussi en eux-mêmes (double peine), pour avoir subi dans leur corps les violences réservées à ceux qui refusent d'être assignés de par leur naissance à un genre qui les déterminerait ipso facto.
À trop vouloir en faire, "Exode" - animé de bonnes intentions certes mais cousu de fil blanc, un comble… eu égard à la quantité de vêtements étalés - manque son louable objectif, nous laissant sur la rive de l'exil sans avoir pu le rejoindre. À suivre…
"Muage", sur une musique originale de Bastien Fréjaville, nous conte une autre face de l'exil : celle de deux êtres, exilés hors de leurs frontières mais aussi en eux-mêmes (double peine), pour avoir subi dans leur corps les violences réservées à ceux qui refusent d'être assignés de par leur naissance à un genre qui les déterminerait ipso facto.
"Muage" © J.-P. Marcon.
L'un est d'origine libanaise, Élie Nassar, que l'homosexualité et l'athéisme ont contraint à la fuite pour pouvoir exercer son métier de danseur. L'une est d'origine russe, Nadia Larina, qui, en tant que femme, ne pouvait trouver dans le pays de Poutine les conditions requises pour exercer en liberté son art chorégraphié. Tous deux vont se livrer à un parcours initiatique susceptible de renverser la donne de départ.
Cet aphorisme de Nietzsche, "C'est en déconstruisant que l'on découvre les mécanismes de la construction", la chorégraphe et danseuse Nadia Larina semble l'avoir fait sien, elle qui s'emploie dès le premier tableau, à afficher lui et elle (?), elle et lui (?), deux êtres nus de dos en train de déconstruire avec une extrême application les postures attachées traditionnellement au masculin et au féminin. En donnant à voir, surgissant de l'obscurité des âges, l'héritage inconscient d'une société patriarcale dont les codes ont été intégrés à l'insu de chacun(e), elle met littéralement à nu les gestes de pantins programmés par un démiurge phallocrate.
Au rythme de coups de sifflet délivrés par une instance surmoïque invisible, il et elle vont parcourir frénétiquement, en sautant en l'air, tombant au sol, courant sur place, les étapes éreintantes d'un chemin de croix païen émancipateur. Ce faisant, ils vont rejouer un autre précepte du philosophe allemand - "La liberté, c'est d'apprendre à danser avec ses chaînes" - pour recouvrer la liberté d'être (homme et/ou femme) qui leur avait été d'emblée confisquée.
Cet aphorisme de Nietzsche, "C'est en déconstruisant que l'on découvre les mécanismes de la construction", la chorégraphe et danseuse Nadia Larina semble l'avoir fait sien, elle qui s'emploie dès le premier tableau, à afficher lui et elle (?), elle et lui (?), deux êtres nus de dos en train de déconstruire avec une extrême application les postures attachées traditionnellement au masculin et au féminin. En donnant à voir, surgissant de l'obscurité des âges, l'héritage inconscient d'une société patriarcale dont les codes ont été intégrés à l'insu de chacun(e), elle met littéralement à nu les gestes de pantins programmés par un démiurge phallocrate.
Au rythme de coups de sifflet délivrés par une instance surmoïque invisible, il et elle vont parcourir frénétiquement, en sautant en l'air, tombant au sol, courant sur place, les étapes éreintantes d'un chemin de croix païen émancipateur. Ce faisant, ils vont rejouer un autre précepte du philosophe allemand - "La liberté, c'est d'apprendre à danser avec ses chaînes" - pour recouvrer la liberté d'être (homme et/ou femme) qui leur avait été d'emblée confisquée.
"Muage" © J.-P. Marcon.
En effet, la liberté (tant humaine qu'artistique) ne pouvant se confondre avec l'ignorance des traditions et blessures ancrées dans leur chair, il et elle vont (re)jouer à l'envi avec elles, mus l'un(e) et l'autre par la pulsion de construire leur identité par-delà les conventions et traumatismes remis à plat.
Des blessures à jamais à vif vont se rouvrir, comme des éclats d'obus venant fourailler leur passé violenté que seul l'effort physique répété en boucle (cf. la symbolique de la corde à sauter) peut épuiser. Et, ensuite, il et elle pourront prendre soin l'un(e) de l'autre pour jouir ensemble de leur re-naissance. Ils s'associent alors au-delà de leurs différences qui, loin de les dissocier, les réunissent dans l'unité qui les fonde : l'humain.
Outre la beauté plastique des corps cagoulés (masques bigarrés) en mouvement et mis à nu, "Muage" (beau titre-valise alliant la fluidité des nuages à celle d'une mue) dégage, au-delà de quelques séquences répétitives, un bel engagement humain offrant "sur un plateau" (celui de l'Atelier des Marches) une version chorégraphiée de l'anti-paradis originel. Adam et Ève n'en sont plus chassés par un Dieu phallocrate mais, au terme de leur folle épopée dansée, ils construisent leur propre aire de "je".
Des blessures à jamais à vif vont se rouvrir, comme des éclats d'obus venant fourailler leur passé violenté que seul l'effort physique répété en boucle (cf. la symbolique de la corde à sauter) peut épuiser. Et, ensuite, il et elle pourront prendre soin l'un(e) de l'autre pour jouir ensemble de leur re-naissance. Ils s'associent alors au-delà de leurs différences qui, loin de les dissocier, les réunissent dans l'unité qui les fonde : l'humain.
Outre la beauté plastique des corps cagoulés (masques bigarrés) en mouvement et mis à nu, "Muage" (beau titre-valise alliant la fluidité des nuages à celle d'une mue) dégage, au-delà de quelques séquences répétitives, un bel engagement humain offrant "sur un plateau" (celui de l'Atelier des Marches) une version chorégraphiée de l'anti-paradis originel. Adam et Ève n'en sont plus chassés par un Dieu phallocrate mais, au terme de leur folle épopée dansée, ils construisent leur propre aire de "je".
Le Printemps des Marches…
"Muage" © J.-P. Marcon.
3e édition (reprogrammée à l'automne),
les 1er et 2 octobre à 20 h.
L'Atelier des Marches/Cie Les Marches de l'Été, Le Bouscat (33),
05 56 17 05 77.
>> marchesdelete.com
"Exode"
Compagnie Les Parcheminiers
Chorégraphie et interprétation : Thomas Queyrens.
Création musicale t performance live : Émilie Caumont.
"Muage"
Compagnie FluO/Nadia Larina
Pièce pour une danseuse et un danseur.
Idée originale, chorégraphie et danse : Nadia Larina.
Danse et collaboration artistique : Elie Nassar.
Musique originale et régie son : Bastien Fréjaville.
les 1er et 2 octobre à 20 h.
L'Atelier des Marches/Cie Les Marches de l'Été, Le Bouscat (33),
05 56 17 05 77.
>> marchesdelete.com
"Exode"
Compagnie Les Parcheminiers
Chorégraphie et interprétation : Thomas Queyrens.
Création musicale t performance live : Émilie Caumont.
"Muage"
Compagnie FluO/Nadia Larina
Pièce pour une danseuse et un danseur.
Idée originale, chorégraphie et danse : Nadia Larina.
Danse et collaboration artistique : Elie Nassar.
Musique originale et régie son : Bastien Fréjaville.