© Pascal Victor.
On ne présente plus ce "Don Giovanni" créé en 1787 à Prague avec un succès immédiat, cette "œuvre sui generis, incomparable et énigmatique" selon le spécialiste du compositeur, Alfred Einstein. Le chef-d'œuvre définitif dans lequel Mozart sut se saisir du mythe de Don Juan en laissant libre cours à son goût de la comédie comme celui de la tragédie, mêlées ici comme dans la vie.
Unique en effet avec ses alliances de styles normalement incompatibles dans l'esthétique classique : un opera buffa en deux actes avec son valet rusé et naïf, Leporello, ses paysans (Zerlina, Masetto), ses scènes de quiproquo ou de coups de bâton. Mais opera seria aussi (malgré son sous-titre "dramma giocoso") avec une noble Donna Anna poursuivant pour se venger son (possible) violeur et assassin de son père, suivie de son fidèle fiancé (Don Ottavio) ; offrant de surcroît une scène finale où une statue (le Commandeur) élève le drame au niveau métaphysique en entraînant le Libertin impénitent en enfer.
Une œuvre disparate et par là-même fascinante dont on ne saurait épuiser les somptuosités et les significations, qui se signale en cette nouvelle édition du festival par une réussite remarquable et ce, à tous les niveaux. Jean-François Sivadier en propose une vision rajeunie profondément théâtrale. Son "Don Giovanni" est autant un spectacle en train de se faire (une sorte de "work in progress") qu'une lecture précise, éclairante et remarquablement fine au service du drame mozartien.
Unique en effet avec ses alliances de styles normalement incompatibles dans l'esthétique classique : un opera buffa en deux actes avec son valet rusé et naïf, Leporello, ses paysans (Zerlina, Masetto), ses scènes de quiproquo ou de coups de bâton. Mais opera seria aussi (malgré son sous-titre "dramma giocoso") avec une noble Donna Anna poursuivant pour se venger son (possible) violeur et assassin de son père, suivie de son fidèle fiancé (Don Ottavio) ; offrant de surcroît une scène finale où une statue (le Commandeur) élève le drame au niveau métaphysique en entraînant le Libertin impénitent en enfer.
Une œuvre disparate et par là-même fascinante dont on ne saurait épuiser les somptuosités et les significations, qui se signale en cette nouvelle édition du festival par une réussite remarquable et ce, à tous les niveaux. Jean-François Sivadier en propose une vision rajeunie profondément théâtrale. Son "Don Giovanni" est autant un spectacle en train de se faire (une sorte de "work in progress") qu'une lecture précise, éclairante et remarquablement fine au service du drame mozartien.
© Pascal Victor.
Où a-t-on vu meilleure caractérisation des personnages et de leurs relations depuis longtemps ? Il fouille les psychés et fait par exemple de Leporello le double comique du séducteur ; un valet effrayé et fasciné par les transgressions accumulées de son maître. Celui-ci vole d'interdits en interdits comme malgré lui : une course à l'abîme presque inconsciemment menée, culbutant en vraie rock-star les filles et les valeurs morales.
Si l'avènement du surnaturel dans cette production est plus que mis en doute - le Commandeur étant une projection de Don Giovanni âgé - c'est que le Libertin est finalement châtié par une solitude irrémédiable. N'existant que par le regard et la vindicte des autres personnages, tous également entraînés par ce séducteur jusqu'au-boutiste, ce cataclysme facteur de désordre ne peut qu'embrasser le néant dans la dernière scène. Cette liberté vertigineuse qu'il propose, ils ont fini par la rejeter et tous lui ont tourné le dos. Christ abandonné d'une religion hédoniste, Don Giovanni demeure cependant le centre aveugle mais éclatant du drame alors qu'il vient contempler (après l'épilogue) la fosse de l'orchestre - comme il l'avait fait (en costume contemporain) pendant l'ouverture. Insaisissable Don Juan.
Si l'avènement du surnaturel dans cette production est plus que mis en doute - le Commandeur étant une projection de Don Giovanni âgé - c'est que le Libertin est finalement châtié par une solitude irrémédiable. N'existant que par le regard et la vindicte des autres personnages, tous également entraînés par ce séducteur jusqu'au-boutiste, ce cataclysme facteur de désordre ne peut qu'embrasser le néant dans la dernière scène. Cette liberté vertigineuse qu'il propose, ils ont fini par la rejeter et tous lui ont tourné le dos. Christ abandonné d'une religion hédoniste, Don Giovanni demeure cependant le centre aveugle mais éclatant du drame alors qu'il vient contempler (après l'épilogue) la fosse de l'orchestre - comme il l'avait fait (en costume contemporain) pendant l'ouverture. Insaisissable Don Juan.
© Pascal Victor.
Pour autant on rit beaucoup durant les quasi trois heures du spectacle grâce à l'entregent sans faille des personnages comiques, en particulier celui de la basse Nahuel di Pierro, remarquable et truculent Leporello. Son Air du Catalogue à l'acte un ne s'oubliera pas de sitôt, comme son art du parlato-cantato. Le couple de paysans, Zerlina et Masetto, est à l'avenant. Julie Fuchs compose une Zerlina sensuelle et dégourdie, qui a tôt fait de s'attacher sans condition son irritable fiancé, le Masetto très convaincant de la basse Krzysztof Baczyk. Comment pourrait-il résister à ce soprano de velours, moelleux et flexible ?
Dans la production de J.F. Sivadier la distribution est décidément jeune, charismatique et brillante. Que dire du trio sérieux dont il faut bien reconnaître que les airs parfois ajoutés par Mozart pour satisfaire ses chanteurs semblent souvent un brin longuets et bien peu efficaces pour la ligne dramatique ? Il nous enchante ici et pas un moment ne pèse. Donna Elvira, l'épouse bafouée incarnée par la mezzo américaine Isabel Leonard, donne une belle épaisseur dramatique à son rôle et nous offre une ligne de chant de toute beauté.
Le ténor Pavol Breslik (doté d'une effroyable perruque) est un Don Ottavio suave et fiévreux. Son grand air "Il mio tesoro intanto", Everest bien connu du répertoire de ténor, témoigne d'une science du legato et de couleurs délectables. Sa Donna Anna ne passionne pas moins. La soprano italienne Eleonora Buratto lui apporte virtuosité et grâce cristalline ; un chant en outre non dénué des ombres délicieuses d'un caractère complexe ici.
Dans la production de J.F. Sivadier la distribution est décidément jeune, charismatique et brillante. Que dire du trio sérieux dont il faut bien reconnaître que les airs parfois ajoutés par Mozart pour satisfaire ses chanteurs semblent souvent un brin longuets et bien peu efficaces pour la ligne dramatique ? Il nous enchante ici et pas un moment ne pèse. Donna Elvira, l'épouse bafouée incarnée par la mezzo américaine Isabel Leonard, donne une belle épaisseur dramatique à son rôle et nous offre une ligne de chant de toute beauté.
Le ténor Pavol Breslik (doté d'une effroyable perruque) est un Don Ottavio suave et fiévreux. Son grand air "Il mio tesoro intanto", Everest bien connu du répertoire de ténor, témoigne d'une science du legato et de couleurs délectables. Sa Donna Anna ne passionne pas moins. La soprano italienne Eleonora Buratto lui apporte virtuosité et grâce cristalline ; un chant en outre non dénué des ombres délicieuses d'un caractère complexe ici.
© Pascal Victor.
Et puis il y a la révélation du Don Giovanni du baryton-basse canadien Philippe Sly - déjà remarqué dans "Au Monde", l'opéra de P. Boesmans à l'Opéra Comique. Dans le rôle du gentilhomme dissolu, il explose littéralement avec un talent juvénile, un engagement scénique non moins furieux que son personnage. À moins de trente ans (tous les chanteurs ont donc l'âge de leurs rôles), il compose un libertin inoubliable, un ogre sexy à l'ivresse contagieuse dont la course effrénée n'épargne personne, pas même lui. C'est bien le grand seigneur plein de verve à la voix agile, étendue, chaude et solide.
Dans la fosse, Jérémie Rhorer dirige sans pathos mais avec fougue Le Cercle de l'Harmonie (sur instruments anciens), son orchestre. Faisant le choix dès l'ouverture d'une battue nerveuse et dessinant les contours tranchants d'une partition dont on savoure chaque événement, le jeune chef - mozartien dans l'âme - nous entraîne dans une chevauchée tour à tour joyeuse et inquiétante, sans aucun temps mort. Tout au plus pourra-t-on regretter quelques silences trop appuyés.
Dans la fosse, Jérémie Rhorer dirige sans pathos mais avec fougue Le Cercle de l'Harmonie (sur instruments anciens), son orchestre. Faisant le choix dès l'ouverture d'une battue nerveuse et dessinant les contours tranchants d'une partition dont on savoure chaque événement, le jeune chef - mozartien dans l'âme - nous entraîne dans une chevauchée tour à tour joyeuse et inquiétante, sans aucun temps mort. Tout au plus pourra-t-on regretter quelques silences trop appuyés.
© Pascal Victor.
Jusqu'au 21 juillet 2017 à 21 h 30.
Captation audiovisuelle en visionnage gratuit sur medici.tv jusqu'au 10 octobre 2017.
Théâtre de l'Archevêché.
13100 Aix-en-Provence.
Tel : 08 20 922 923.
www.festival-aix.com
"Don Giovanni" (1787).
Dramma giocoso en deux actes.
Musique de W.A. Mozart.
Livret en italien de L. da Ponte.
Durée : 3 h 10 avec entracte.
Captation audiovisuelle en visionnage gratuit sur medici.tv jusqu'au 10 octobre 2017.
Théâtre de l'Archevêché.
13100 Aix-en-Provence.
Tel : 08 20 922 923.
www.festival-aix.com
"Don Giovanni" (1787).
Dramma giocoso en deux actes.
Musique de W.A. Mozart.
Livret en italien de L. da Ponte.
Durée : 3 h 10 avec entracte.
© Pascal Victor.
Jérémie Rhorer, direction musicale.
Jean-François Sivadier, mise en scène.
Alexandre de Dardel, décors.
Virginie Gervaise, costumes.
Philippe Berthomé, Lumières.
Philippe Sly, Don Giovanni.
Nahuel di Pierro, Leporello.
Eleanora Buratto, Donna Anna.
Pavol Breslik, Don Ottavio.
Isabel Leonard, Donna Elvira.
Julie Fuchs, Zerlina.
Krzysztof Baczyk, Masetto.
David Leigh, Il Commendatore.
English Voices, chœur.
Le Cercle de l'Harmonie.
Jean-François Sivadier, mise en scène.
Alexandre de Dardel, décors.
Virginie Gervaise, costumes.
Philippe Berthomé, Lumières.
Philippe Sly, Don Giovanni.
Nahuel di Pierro, Leporello.
Eleanora Buratto, Donna Anna.
Pavol Breslik, Don Ottavio.
Isabel Leonard, Donna Elvira.
Julie Fuchs, Zerlina.
Krzysztof Baczyk, Masetto.
David Leigh, Il Commendatore.
English Voices, chœur.
Le Cercle de l'Harmonie.