© Elizabeth Carechio.
Tout commence par une scène cristallisant les thèmes à venir… Deux gentils loubards au langage fleuri, tout aussi provocateurs verbalement qu'intimidés physiquement par la gent féminine, "chauffent" une désirable demoiselle qu'ils redoutent être un robot susceptible d'endommager leur virilité déjà peu sûre d'elle-même… On y retrouve, délicieusement caricaturées, les prétentions ancestrales de l'emprise masculine recouvrant la peur atavique du féminin (ce mystère dont je suis issu et qui m'effraie comme un lieu à jamais inaccessible) mêlées au règne nouveau de robots pouvant certes consoler, mais tout autant effrayer. Devenir non pas ce que l'on "naît", porteur des vœux secrets des parents et des assignations sociétales, mais ce que l'on est, un sujet en devenir, tel sera le fil invisible tramant l'ensemble.
Et ce n'est pas la leçon inénarrable d'un cours pratique de "musclinité" - euh de "masculinité" - visant à rétablir le déséquilibre dangereusement menacé entre hommes et femmes qui démentira l'humour utilisé comme arme, apparemment innocente, afin de désintégrer en plein vol les clichés machistes. À voir en effet ces "soldats de l'avenir", ces guerriers de la cause essentielle de la suprématie du mâle, s'entraîner dur comme fer pour lutter contre la féminisation de la société - et son corollaire, la destruction de l'Humanité -, on n'est pas loin de "pisser debout dans ses frocs" tant on tremble face au danger représenté par ces perfides amazones, enclines à prendre un pouvoir démentiel sur la faible gent masculine.
Et ce n'est pas la leçon inénarrable d'un cours pratique de "musclinité" - euh de "masculinité" - visant à rétablir le déséquilibre dangereusement menacé entre hommes et femmes qui démentira l'humour utilisé comme arme, apparemment innocente, afin de désintégrer en plein vol les clichés machistes. À voir en effet ces "soldats de l'avenir", ces guerriers de la cause essentielle de la suprématie du mâle, s'entraîner dur comme fer pour lutter contre la féminisation de la société - et son corollaire, la destruction de l'Humanité -, on n'est pas loin de "pisser debout dans ses frocs" tant on tremble face au danger représenté par ces perfides amazones, enclines à prendre un pouvoir démentiel sur la faible gent masculine.
© Elizabeth Carechio.
Parallèlement au ravissement produit par le vent féministe libérateur soufflant en creux sur le plateau, se dévoile le lien unissant de sympathiques robots - marqués par un anthropomorphisme faisant d'eux des "doudous" à visage humain - à leurs compagnons dépendant d'eux. Il est vrai que l'évolution de la robotique humanoïde permet dorénavant de mettre à disposition de chacun(e) des créatures en tous points semblables aux humains, si ce n'est, au-delà de leur humanité augmentée, une certaine raideur dans leurs mouvements et dans la fixité de leur regard. Mais ces détails physiques sont vite oubliés tant leur capacité de réaction immédiate aux situations a été développée grâce à une technologie de haut niveau proposant un process de communication des plus pertinents.
Ainsi, fidèles compagnons éducatifs et pédagogiques, les assistants robotisés vont se comporter en personnes ressources d'une grande fiabilité, se substituant à des adultes dépassés par leurs progénitures, et capables de consoler les chagrins d'amours adolescentes ou encore de combler la disparition programmée (par la nature) d'une mère-ménagère (dé)vouée organiquement aux travaux domestiques… Qui plus est, apprenant d'eux-mêmes et du monde, les robots de compagnie (dire "personnes artificielles") s'inscrivent dans un processus évolutif porteur de progrès "humain". À la différence des primates-humains, répétant eux à satiété les mêmes conditionnements axés autour d'axiomes non évolutifs.
Ainsi, fidèles compagnons éducatifs et pédagogiques, les assistants robotisés vont se comporter en personnes ressources d'une grande fiabilité, se substituant à des adultes dépassés par leurs progénitures, et capables de consoler les chagrins d'amours adolescentes ou encore de combler la disparition programmée (par la nature) d'une mère-ménagère (dé)vouée organiquement aux travaux domestiques… Qui plus est, apprenant d'eux-mêmes et du monde, les robots de compagnie (dire "personnes artificielles") s'inscrivent dans un processus évolutif porteur de progrès "humain". À la différence des primates-humains, répétant eux à satiété les mêmes conditionnements axés autour d'axiomes non évolutifs.
© Elizabeth Carechio.
Et qui a dit que le rire était le propre de l'Homme ? Qui aura assisté aux rires aux éclats de Robby le robot s'esclaffant, sans aucune arrière-pensée, à l'annonce de son recyclage : "Moi aussi mon petit poteau, je t'aime beaucoup !", n'osera jamais plus prononcer une telle fadaise. De même, après avoir entendu les paroles d'un autre robot, condamné lui à être débranché pour obsolescence programmée, entonnant à tue-tête les paroles de Dalida : "Moi je veux mourir sur scène/En chantant jusqu'au bout/Moi, je veux mourir sur scène/C'est là que je suis née", on se plaît à rêver d'une humanité ressuscitée… par un humanoïde.
Ainsi des émois amoureux revisités à l'aune des travestissements successifs. Ainsi de la révolte adolescente remettant les pendules à l'heure de l'évolution. Ainsi de la contamination positive opérée par les personnes artificielles pour redonner à l'humain le vivifiant goût des autres… Et évoquer pour conclure la belle surprise éprouvée au moment du salut final… Choc d'avoir eu alors à découvrir que les jeunes artistes ayant superbement incarné les rôles des ados mâles, machos ou pas, étaient des "comédien… nes" ! Cet apparent "détail" n'en est pas un tant il renforce l'impression d'avoir de nos yeux vu, peut-être même parfois à notre corps défendant, nos repères superbement vaciller.
Ainsi des émois amoureux revisités à l'aune des travestissements successifs. Ainsi de la révolte adolescente remettant les pendules à l'heure de l'évolution. Ainsi de la contamination positive opérée par les personnes artificielles pour redonner à l'humain le vivifiant goût des autres… Et évoquer pour conclure la belle surprise éprouvée au moment du salut final… Choc d'avoir eu alors à découvrir que les jeunes artistes ayant superbement incarné les rôles des ados mâles, machos ou pas, étaient des "comédien… nes" ! Cet apparent "détail" n'en est pas un tant il renforce l'impression d'avoir de nos yeux vu, peut-être même parfois à notre corps défendant, nos repères superbement vaciller.
© Elizabeth Carechio.
En effet, les frontières entre humains et humanoïdes, entre territoires de la masculinité et ceux de la féminité, ont littéralement implosé sous les coups de boutoir de l'humour décalé, renversant à l'envi les situations pour laisser place à des entités confondues avec bonheur dans la même proximité scénique… Jusqu'à ressentir ce que Freud nommait "l'inquiétante étrangeté", cet intime déjà-là qui jaillit devant nous, venant nous déloger de nos certitudes anciennes en remettant joyeusement en je(u) notre inhumaine identité savamment construite. Captivant…
Vu le mercredi 4 mai 2022 dans la Grande Salle Vitez du TnBA à Bordeaux où le spectacle a été représenté du 3 au 7 mai 2022.
Vu le mercredi 4 mai 2022 dans la Grande Salle Vitez du TnBA à Bordeaux où le spectacle a été représenté du 3 au 7 mai 2022.
"Contes et légendes"
Écriture et mise en scène : Joël Pommerat.
Assistant à la mise en scène : Roxane Isnard.
Avec : Prescillia Amany Kouamé, Jean-Édouard Bodziak, Elsa Bouchain, Léna Dia, Angélique Flaugère, Lucie Grunstein, Lucie Guien, Marion Levesque, Angéline Pelandakis, Lenni Prézelin.
Scénographie et lumière : Éric Soyer.
Costumes et recherches visuelles : Isabelle Deffin.
Habillage : Manon Denarié.
Perruques et maquillage : Julie Poulain.
Son : François Leymarie, Philippe Perrin.
Musique : Antonin Leymarie.
Dramaturgie : Marion Boudier.
Direction technique : Emmanuel Abate.
Construction décors : Ateliers de Nanterre - Amandiers.
Construction mobilier : Thomas Ramon - ARTOM.
Les textes de Joël Pommerat sont édités chez Actes Sud-Papiers.
Production Compagnie Louis Brouillard.
À partir de 14 ans.
Durée : 1 h 50.
Assistant à la mise en scène : Roxane Isnard.
Avec : Prescillia Amany Kouamé, Jean-Édouard Bodziak, Elsa Bouchain, Léna Dia, Angélique Flaugère, Lucie Grunstein, Lucie Guien, Marion Levesque, Angéline Pelandakis, Lenni Prézelin.
Scénographie et lumière : Éric Soyer.
Costumes et recherches visuelles : Isabelle Deffin.
Habillage : Manon Denarié.
Perruques et maquillage : Julie Poulain.
Son : François Leymarie, Philippe Perrin.
Musique : Antonin Leymarie.
Dramaturgie : Marion Boudier.
Direction technique : Emmanuel Abate.
Construction décors : Ateliers de Nanterre - Amandiers.
Construction mobilier : Thomas Ramon - ARTOM.
Les textes de Joël Pommerat sont édités chez Actes Sud-Papiers.
Production Compagnie Louis Brouillard.
À partir de 14 ans.
Durée : 1 h 50.
© Elizabeth Carechio.
Du 10 janvier au 31 mars 2024.
Du mercredi au vendredi à 20 h, samedi 20 h 30 et dimanche à 16 h.
Théâtre de la Porte Saint-Martin, Paris 10e, 01 42 08 00 32.
>> portestmartin.com
Du mercredi au vendredi à 20 h, samedi 20 h 30 et dimanche à 16 h.
Théâtre de la Porte Saint-Martin, Paris 10e, 01 42 08 00 32.
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