© Vincent Descotils.
Une jeune tagueuse, lampe frontale vissée au crâne, inscrit rageusement ses "maux" à vif. Alors que la musique enfle, un homme d'âge mûr, à la barbe hirsute, au pas hésitant et gestes improbables, s'affale, ivre. Un musicien poète, guitare en bandoulière, traverse l'espace en égrenant les paroles mélancoliques de "L'alcool" de Serge Gainsbourg… "Mes illusions donnent sur la cour. Des horizons j'en ai pas lourd. Quand j'ai bossé toute la journée, il m'reste plus pour rêver… Dans les vapeurs de l'alcool, j'vois mes châteaux espagnols". Un jeune homme aux dreadlocks fantasques vient rejoindre les deux premiers patients de l'unité psychiatrique alors que, leur faisant face, deux blouses blanches les observent…
Le cadre posé, chacun va dévoiler par bribes son "histoire". Parfois, c'est le corps qui parle avant que les mots ne surgissent de la forteresse capitonnée où ils sont coincés. Ainsi de Bertrand, le mutique grand musicien amoureux fou de Beethoven qui, suite à un AVC et aux ravages de drogues et alcools anesthésiants, a perdu l'usage de son bras et, avec lui, ce qui le reliait à sa vie d'artiste, à la vie tout court. Minona (singulier prénom, celui de la fille cachée de Ludwig Beethoven et palindrome d'"anonim"…), la jeune femme au passé très lourd, coincé dans des chaussettes qu'elle refuse de retirer, n'aura de cesse de nouer un lien avec lui, tandis que Ralph, le rasta au sourire hilare, draguera tendrement la tagueuse à fleur de peau.
Le cadre posé, chacun va dévoiler par bribes son "histoire". Parfois, c'est le corps qui parle avant que les mots ne surgissent de la forteresse capitonnée où ils sont coincés. Ainsi de Bertrand, le mutique grand musicien amoureux fou de Beethoven qui, suite à un AVC et aux ravages de drogues et alcools anesthésiants, a perdu l'usage de son bras et, avec lui, ce qui le reliait à sa vie d'artiste, à la vie tout court. Minona (singulier prénom, celui de la fille cachée de Ludwig Beethoven et palindrome d'"anonim"…), la jeune femme au passé très lourd, coincé dans des chaussettes qu'elle refuse de retirer, n'aura de cesse de nouer un lien avec lui, tandis que Ralph, le rasta au sourire hilare, draguera tendrement la tagueuse à fleur de peau.
© Vincent Descotils.
Écorchés à vif, ils lieront entre eux des liens pour se désaliéner, se libérer d'un passé trop lourd à porter par chacun d'eux. Les deux blouses blanches, personnel psychiatrique, sont là quant à eux pour créer les conditions idoines à l'existence d'un groupe de paroles. Leur entreprise supposant une totale abnégation, la capacité d'encaisser l'agressivité sans y répondre en miroir, a affaire à leur propre problématique personnelle (violence et abattement) se révélant comme une pellicule argentique libère au grand jour ce qu'elle retient caché.
Les tableaux, entrecoupés par les pauses musicales aux accents du Gainsbarre de "Black March", alternent les saillies verbales émouvantes ou tranchantes comme des éclats de verre et les jeux scéniques, à haute vertu expressionniste, convoquant "oniriquement" le jeu de rôles.
Ainsi de la tirade anthologique digne des surréalistes où Bertrand, ketchup et salière en main, invente l'odyssée à la fois hilarante et métaphoriquement porteuse de sens d'un petit Nugget livré aux aléas d'une existence explosée, dérivante, délirante. Ainsi de l'adresse au public d'Isabelle, la psychiatre cheffe de service des gens violents, confiant sa détresse de femme lesbienne de cinquante ans et de soignante épuisée confrontée au délitement de l'hôpital. Ainsi de "l'accouchement" trash (sic) de Bertrand par les deux psys libérant ses humeurs noires de sang. Ainsi des chorégraphies voltigeuses de Joël, l'infirmier psy, tendant à expurger sa propre violence en la contenant dans les mailles d'exercices maniaques.
Un tableau festif dont Baloo (Bertrand déguisé en ours) ne se relèvera pas… mais en est-on vraiment sûr, qui est-on pour affirmer cela, les frontières entre la vie et la mort étant labiles, tout comme sont fragiles celles entre la réalité de la folie et la folle normalité des choses…
Les tableaux, entrecoupés par les pauses musicales aux accents du Gainsbarre de "Black March", alternent les saillies verbales émouvantes ou tranchantes comme des éclats de verre et les jeux scéniques, à haute vertu expressionniste, convoquant "oniriquement" le jeu de rôles.
Ainsi de la tirade anthologique digne des surréalistes où Bertrand, ketchup et salière en main, invente l'odyssée à la fois hilarante et métaphoriquement porteuse de sens d'un petit Nugget livré aux aléas d'une existence explosée, dérivante, délirante. Ainsi de l'adresse au public d'Isabelle, la psychiatre cheffe de service des gens violents, confiant sa détresse de femme lesbienne de cinquante ans et de soignante épuisée confrontée au délitement de l'hôpital. Ainsi de "l'accouchement" trash (sic) de Bertrand par les deux psys libérant ses humeurs noires de sang. Ainsi des chorégraphies voltigeuses de Joël, l'infirmier psy, tendant à expurger sa propre violence en la contenant dans les mailles d'exercices maniaques.
Un tableau festif dont Baloo (Bertrand déguisé en ours) ne se relèvera pas… mais en est-on vraiment sûr, qui est-on pour affirmer cela, les frontières entre la vie et la mort étant labiles, tout comme sont fragiles celles entre la réalité de la folie et la folle normalité des choses…
© Vincent Descotils.
Ainsi, dans un dispositif bi-frontal, les hérauts de la folie ordinaire se livrent-ils sous nos yeux captifs à un corps à corps fabuleux, mûs par leurs obsessions. Au point de nous déloger de notre zone de confort, jusqu'à ressentir un sentiment d'inquiétante étrangeté, cette sensation fugace de déjà là… Car sont-ils si éloignés de nous, ces cabossés de l'existence si peu "étrangers" à ce qui nous constitue ? Ce questionnement essentiel, porté par une écriture et une interprétation sans faille et rendu sensible grâce à une mise en jeu mêlant réalisme, onirisme, voltige, chorégraphie et chant, atteint sans conteste sa cible : solliciter les arts de la scène pour faire résonner l'inaudible… Pari aussi fou que réussi.
Vu le mardi 28 février à 20h, Salle Vauthier du TnBA de Bordeaux.
Vu le mardi 28 février à 20h, Salle Vauthier du TnBA de Bordeaux.
"Black March"
© Vincent Descotils.
Création le 9 février 2023 au Théâtre Sénart - Scène nationale, Lieusaint ((77).
Texte : Claire Barrabès.
Mise en scène et scénographie : Sylvie Orcier.
Assistants à la mise en scène, Patrick Pineau, Valentin Suel.
Avec : Pablo Elcoq, Aline Le Berre, Djibril Mbaye, Patrick Pineau, Lauren Pineau-Orcier, Eliott Pineau-Orcier.
Lumières : Christian Pinaud.
Musique : Pablo Elcoq.
Son : François Terradot.
Régie plateau : Florent Fouquet.
Collaboration artistique : Jean-Philippe François.
Chorégraphie : Élodie Hec et Eliott Pineau-Orcier.
Production : Compagnie Pipo.
Durée : 1 h 20.
A été représenté du mardi 28 février au vendredi 3 mars 2023, Salle Vauthier, au TnBA de Bordeaux.
Texte : Claire Barrabès.
Mise en scène et scénographie : Sylvie Orcier.
Assistants à la mise en scène, Patrick Pineau, Valentin Suel.
Avec : Pablo Elcoq, Aline Le Berre, Djibril Mbaye, Patrick Pineau, Lauren Pineau-Orcier, Eliott Pineau-Orcier.
Lumières : Christian Pinaud.
Musique : Pablo Elcoq.
Son : François Terradot.
Régie plateau : Florent Fouquet.
Collaboration artistique : Jean-Philippe François.
Chorégraphie : Élodie Hec et Eliott Pineau-Orcier.
Production : Compagnie Pipo.
Durée : 1 h 20.
A été représenté du mardi 28 février au vendredi 3 mars 2023, Salle Vauthier, au TnBA de Bordeaux.
© Vincent Descotils.
Tournée
Du 8 mars au 17 mars 2023 : Théâtre Les Célestins, Lyon 2e (69).
Du 28 mars au 31 mars 2023 : Théâtre Francine Vasse, 18 Rue Colbert, Nantes (44).
Du 8 mars au 17 mars 2023 : Théâtre Les Célestins, Lyon 2e (69).
Du 28 mars au 31 mars 2023 : Théâtre Francine Vasse, 18 Rue Colbert, Nantes (44).