Théâtre

"Azor" est un trésor, léger comme une plume, cahotique et frénétique comme la vie

"Azor", Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Paris

Quand un commissaire de police d'Auteuil, un gars de la Rousse, reçoit le surnom d'un toutou à sa mémère, Azor, quand il est poursuivi des assiduités des unes et des autres, quand il se rêve en cador (qu'adorent les femmes), se découvre enjôleur plutôt qu'engeôleur, rimeur et frimeur…



© Nicolas Spanoudis.
Quand une fille de ministre a une âme de gigolette, quand les gens de la Haute fricotent avec les marlous, quand tout est sens dessus-dessous, sans dessus et sans dessous, quand le magicien de music-hall brille dans le fric-frac, quand tout est pourri, quand malgré tout, Amour rime avec Toujours et Désir avec Plaisir, alors il faut faire comme dans "Azor", dans cette comédie des erreurs où toutes les apparences sont trompeuses sauf pour le public. Il faut Aimer, Vivre, Rire, Danser et Chanter. Même si c'est sur un volcan, ce que tout le monde comprend.

Stéphane Druet met en scène "Azor". Cette œuvre oubliée des années trente créée par un sextuor aux talents conjugués immenses. Pour le livret Albert Willemetz, Max Eddy, Raoul Praxy. Pour la musique Gaston Gabaroche, Pierre Chagnon, Fred Pearly. À eux six, des milliers de rengaines dans la tête. Azor est un trésor caché au fond du jardin secret de chacun.

Et l'on ne peut discerner qui, du livret, du jeu, de la musique ou de la danse, entraine l'autre. Tant les pratiques de la scène se fondent et s'épaulent.

© Nicolas Spanoudis.
Le livret déroule un catalogue de sous-entendus, de métaphores, de quiproquos, d'imbroglios. Allant du graveleux au précieux, il avance dans le son et le rythme du vaudeville, du caf'conc', du music-hall, de l'opérette. Tout cela swingue, tout cela chaloupe. Autant de clins d’œil. Les lyrics produisent les effets de la scène et réciproquement.

Stéphane Druet a la bonne idée de déplacer la société interlope des années trente dans celle des années psychédéliques, plus proches de la mémoire collective. Ce qui évite une reconstitution hasardeuse (les allusions au monde environnant ayant quelque peu changé depuis quatre-vingts ans). Mais cet angle offre une liberté de ton et de traitement, un tissu de références partagées.

Les arrangements d'Emmanuel Bex, sur la base d'un orgue électronique, d'une guitare et d'une batterie, offrent un voyage musical qui, mine de rien, dans l'énergie et la finesse, croise les demoiselles de Rochefort ou Janis Joplin. Les chorégraphies vont des girls à Michael Jackson en passant par le balloche ou la biguine…

© Nicolas Spanoudis.
Dans ce festival de citations, le spectateur assiste à une comédie musicale aboutie, modèle. Les chansons, les duos, les solos apparaissent dans la solidité et la beauté de leur composition initiale. Les comédiens chanteurs, appuyant les caractères, offrent des moments d'âme à chaque personnage. Les enchainements sont tenus, maitrisés, précis et virtuoses.

Cette présentation est respectueuse de l'œuvre. Elle constitue une véritable transposition et accompagne la liberté et la créativité de l'original de Willemetz, Gabaroche et leurs confrères.

Le spectateur éprouve la gaité qui lui est communiquée par tous les angles d'un plateau devenu virevoltant. Assurément "Azor" est un Trésor. Léger comme une plume, chaotique et frénétique comme la vie, fêlé comme une trompette de la renommée. Tatata taaa tataâ.

"Azor"

© Matthias Plantard.
Opérette en trois actes.
À la création, 16 septembre 1932.
Musique : Gaston Gabaroche.
Airs additionnels : Pierre Chagnon, Fred Pearly.
Livret : Raoul Praxy.
Lyrics : Albert Willemetz, Max Eddy.

Aujourd'hui.
Mise en scène : Stéphan Druet.
Direction musicale et arrangements : Emmanuel Bex.
Conception : Emmanuelle Goizé, Gilles Bugeaud, Pierre Méchanick.
Avec : Julien Alluguette, Gilles Bugeaud, Fanny Fourquez, Pauline Gardel, Quentin Gibelin, Emmanuelle Goizé, Estelle Kaïque, Pierre Méchanick.
Guitare : Antonin Fresson.
Batterie : Tristan Bex.
Orgue Hammond : Emmanuel Bex.
Chorégraphie : Alma de Villalobos.
Lumière : Christelle Toussine.
Scénographie : Emmanuelle Goizé.
Costumes : Denis Evrard.
Cie Quand On Est Trois.

Du 20 décembre 2018 au 13 janvier 2019.
Du mercredi au samedi à 20 h, dimanche à 16 h, mardi 8 janvier à 19 h.
Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Grande Salle, Paris 9e, 01 53 05 19 19.
>> athenee-theatre.com

Jean Grapin
Lundi 24 Décembre 2018
Dans la même rubrique :