© Pierre Planchenault.
Dans une mise en scène limpide ne sacrifiant pour autant rien à la complexité des enjeux vécus à fleur de peau par ce groupe d'artistes - auquel il est d'autant plus aisé de s'identifier que le "transfert" est amplement favorisé par les analogies criantes avec notre époque -, Catherine Marnas fait monter imperceptiblement la pression conduisant à l'explosion finale.
Le dispositif scénique, respectant scrupuleusement l'écrit de l'auteur américain, propose une double mise en abyme de l'action berlinoise. D'abord le personnage de l'iconique chanteuse punk-rock, "inventée" dès les années reaganiennes pour commenter à distance l'histoire en train de se faire sous nos yeux, ensuite celui de l'inénarrable auteur incarné sur le plateau pour entretenir un hallucinant dialogue, ici et maintenant, avec son icône "de papier", celle-ci tout comme les protagonistes de 1932 échappant de toute évidence à leur original créateur.
Le dispositif scénique, respectant scrupuleusement l'écrit de l'auteur américain, propose une double mise en abyme de l'action berlinoise. D'abord le personnage de l'iconique chanteuse punk-rock, "inventée" dès les années reaganiennes pour commenter à distance l'histoire en train de se faire sous nos yeux, ensuite celui de l'inénarrable auteur incarné sur le plateau pour entretenir un hallucinant dialogue, ici et maintenant, avec son icône "de papier", celle-ci tout comme les protagonistes de 1932 échappant de toute évidence à leur original créateur.
© Pierre Planchenault.
Comment aurait-on pu s'imaginer, en 1932, en voyant cette marionnette à moustache ridicule s'agitant en tous sens, qu'elle deviendrait en quelques années la responsable du chaos génocidaire décimant juifs, communistes, gitans, homosexuels, handicapés mentaux, et plus globalement toutes celles et ceux tentant de s'opposer à sa démence promue en horizon politique ? Comment pouvoir s'imaginer que les ferments de l'ultra libéralisme de l'acteur de seconde zone que fut Ronald Reagan dans les années quatre-vingt allaient sous les traits de Donald Trump (prénoms de - mauvais - clowns) mener droit dans le mur les démocraties actuelles ?
Pas plus que ces artistes fêtant joyeusement le nouvel an 1932 à grands renforts de champagne, sommes-nous "avertis" du danger imminent ? Bien sûr - comme eux - nous en parlons en fin de repas ou apéros festifs, conscients - comme eux - de l'énormité ubuesque des propos et actes de fantoches installés démocratiquement (sic) dans leur toute puissance… Les conséquences semblant impossibles à admettre, nous repartons vaquer à nos occupations. Ainsi va la vie, la bête rôde attendant le moment pour obtenir les suffrages du peuple assoupi.
Aux rigolades avinées de cette bande de joyeux lurons réunis dans cette "chambre claire nommée jour" - où viendront peu à peu s'infiltrer les bruits de bottes du monde extérieur - succéderont les angoisses liées au rétrécissement des libertés, un univers lugubre, sorte de huis-clos préservé qui se fissure et s'assombrit au rythme calendaire des annonces projetées en noir et blanc sur écran, scandant la montée en puissance de l'innommable.
Les inventions scénographiques donnent à voir le double visage de l'horreur et de la bouffonnerie réunies dans le même. Ainsi, la marionnette épouvantail d'Adolphe Hitler, dont la tête-cafetière n'arrête pas de caqueter "Je suis le sauveur de l'Allemagne !", amenant la chanteuse rock à couvrir en 84-85 - en écho à la montée de l'ultra libéralisme et de ses avatars liberticides - les murs de Berlin d'une croix gammée. Mais aussi crèvent aux yeux les dérives de "camarades" aveuglés par leur propre idéologie les divisant et les rendant incapables de faire front commun face à la peste brune.
Sur le terreau de la désolation d'un capitalisme broyant les plus pauvres, le fascisme progresse en instrumentalisant les légitimes rancœurs. Jouant entre onirisme fantastique et réalité crue, la mise en scène introduit la séquence tonitruante de l'intrusion du Diable en personne, prêt à accorder toutes promesses illusoires aux mortels en échange de leur âme. La fin programmée de la République de Weimar, suite à la nomination d'Adolf Hitler comme chancelier le 30 janvier 1933, sonne le glas de toutes velléités de libertés et, lorsque brûlera le Reichstag, dont les flammes illuminent "la chambre claire", les Nazis en profiteront pour promulguer l'état d'exception leur donnant, au nom de "la protection du peuple et de l'État", tous les pouvoirs.
Pas plus que ces artistes fêtant joyeusement le nouvel an 1932 à grands renforts de champagne, sommes-nous "avertis" du danger imminent ? Bien sûr - comme eux - nous en parlons en fin de repas ou apéros festifs, conscients - comme eux - de l'énormité ubuesque des propos et actes de fantoches installés démocratiquement (sic) dans leur toute puissance… Les conséquences semblant impossibles à admettre, nous repartons vaquer à nos occupations. Ainsi va la vie, la bête rôde attendant le moment pour obtenir les suffrages du peuple assoupi.
Aux rigolades avinées de cette bande de joyeux lurons réunis dans cette "chambre claire nommée jour" - où viendront peu à peu s'infiltrer les bruits de bottes du monde extérieur - succéderont les angoisses liées au rétrécissement des libertés, un univers lugubre, sorte de huis-clos préservé qui se fissure et s'assombrit au rythme calendaire des annonces projetées en noir et blanc sur écran, scandant la montée en puissance de l'innommable.
Les inventions scénographiques donnent à voir le double visage de l'horreur et de la bouffonnerie réunies dans le même. Ainsi, la marionnette épouvantail d'Adolphe Hitler, dont la tête-cafetière n'arrête pas de caqueter "Je suis le sauveur de l'Allemagne !", amenant la chanteuse rock à couvrir en 84-85 - en écho à la montée de l'ultra libéralisme et de ses avatars liberticides - les murs de Berlin d'une croix gammée. Mais aussi crèvent aux yeux les dérives de "camarades" aveuglés par leur propre idéologie les divisant et les rendant incapables de faire front commun face à la peste brune.
Sur le terreau de la désolation d'un capitalisme broyant les plus pauvres, le fascisme progresse en instrumentalisant les légitimes rancœurs. Jouant entre onirisme fantastique et réalité crue, la mise en scène introduit la séquence tonitruante de l'intrusion du Diable en personne, prêt à accorder toutes promesses illusoires aux mortels en échange de leur âme. La fin programmée de la République de Weimar, suite à la nomination d'Adolf Hitler comme chancelier le 30 janvier 1933, sonne le glas de toutes velléités de libertés et, lorsque brûlera le Reichstag, dont les flammes illuminent "la chambre claire", les Nazis en profiteront pour promulguer l'état d'exception leur donnant, au nom de "la protection du peuple et de l'État", tous les pouvoirs.
© Pierre Planchenault.
Et si "les rêves de la gauche sont toujours très beaux", c'est bien la désunion de ses forces qui a fait - et fera, n'en doutons pas, si le démon de la division fratricide venait à perdurer - le lit de la dévastation des libertés, chacune, chacun, avouant in fine son impuissance à pouvoir tenter autre chose que sauver sa peau. Ainsi en va-t-il de l'émouvant homosexuel anarchiste, personnage d'une vérité criante d'humanité, n'ayant pu se résoudre à tirer à bout portant une balle dans la nuque du Führer tant son désir de vivre est plus grand que celui de se sacrifier.
Toute ressemblance avec notre époque… L'Histoire ne repasse pas les plats et comme rien ne ressemble à la référence originelle, etc. Des fractions du peuple déçu, rejoignant les bataillons du Rassemblement National, est-ce pur cauchemar éveillé ou réalité sournoisement "en marche" ? S'emparant avec une envie "redoublée" (reprise de sa création 2020) de l'écrit de Tony Kushner, Catherine Marnas (accompagnée de ses comédiens complices) se saisit de l'opportunité de reposer artistiquement la (bonne) question, dans une nouvelle version encore plus convaincante.
Ce qu'elle nous donne ici à voir et à "entendre", si dramatique en soit le propos percuté par des saillies, est au bas mot… époustouflant. Comme l'est le tableau final réunissant, au-delà des époques qui les séparent, ces trois femmes faisant front à la salle éclairée et lançant cette supplique comme on jetterait une bouteille à la mer : "Agissez !". Ce que l'histoire essaie à jamais de nous dire, amis(es), cette fois-ci l'entendrons-nous ?
Toute ressemblance avec notre époque… L'Histoire ne repasse pas les plats et comme rien ne ressemble à la référence originelle, etc. Des fractions du peuple déçu, rejoignant les bataillons du Rassemblement National, est-ce pur cauchemar éveillé ou réalité sournoisement "en marche" ? S'emparant avec une envie "redoublée" (reprise de sa création 2020) de l'écrit de Tony Kushner, Catherine Marnas (accompagnée de ses comédiens complices) se saisit de l'opportunité de reposer artistiquement la (bonne) question, dans une nouvelle version encore plus convaincante.
Ce qu'elle nous donne ici à voir et à "entendre", si dramatique en soit le propos percuté par des saillies, est au bas mot… époustouflant. Comme l'est le tableau final réunissant, au-delà des époques qui les séparent, ces trois femmes faisant front à la salle éclairée et lançant cette supplique comme on jetterait une bouteille à la mer : "Agissez !". Ce que l'histoire essaie à jamais de nous dire, amis(es), cette fois-ci l'entendrons-nous ?
"A Bright Room Called Day… Une chambre claire nommée jour"
© Pierre Planchenault.
Texte : Tony Kushner.
Traduction : Daniel Loayza.
Mise en scène : Catherine Marnas.
Assistante et assistant à la mise en scène : Odille Lauria et Thibaut Seyt.
Avec : Simon Delgrange, Annabelle Garcia, Julie Papin, Tonin Palazzotto, Agnès Pontier, Sophie Richelieu, Gurshad Shaheman, Yacine Sif El Islam, Bénédicte Simon.
Scénographie : Carlos Calvo.
Musique : Boris Kohlmayer.
Son : Madame Miniature, assistée de Jean-Christophe Chiron et d'Édith Baert.
Conseil et préparation musicale : Eduardo Lopes.
Lumières : Michel Theuil, assisté de Clarisse Bernez-Cambot Labarta et Véronique Galindo.
Costumes : Édith Traverso, assistée de Kam Derbali.
Maquillages : Sylvie Cailler.
Projection : Emmanuel Vautrin.
Confection marionnettes : Thibaut Seyt.
Construction du décor : Jérôme Verdon, assisté d'Éric Ferrer, Marc Valladon et Loïc Ferrié.
Production Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine.
Durée : 2 h 30.
Créé en janvier 2020 au TnBA, Bordeaux.
Traduction : Daniel Loayza.
Mise en scène : Catherine Marnas.
Assistante et assistant à la mise en scène : Odille Lauria et Thibaut Seyt.
Avec : Simon Delgrange, Annabelle Garcia, Julie Papin, Tonin Palazzotto, Agnès Pontier, Sophie Richelieu, Gurshad Shaheman, Yacine Sif El Islam, Bénédicte Simon.
Scénographie : Carlos Calvo.
Musique : Boris Kohlmayer.
Son : Madame Miniature, assistée de Jean-Christophe Chiron et d'Édith Baert.
Conseil et préparation musicale : Eduardo Lopes.
Lumières : Michel Theuil, assisté de Clarisse Bernez-Cambot Labarta et Véronique Galindo.
Costumes : Édith Traverso, assistée de Kam Derbali.
Maquillages : Sylvie Cailler.
Projection : Emmanuel Vautrin.
Confection marionnettes : Thibaut Seyt.
Construction du décor : Jérôme Verdon, assisté d'Éric Ferrer, Marc Valladon et Loïc Ferrié.
Production Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine.
Durée : 2 h 30.
Créé en janvier 2020 au TnBA, Bordeaux.
© Pierre Planchenault.
Du 23 novembre au 5 décembre 2021.
Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche 5 décembre à 15 h.
Relâche : 28 et 29 novembre.
Théâtre du Rond-Point, Salle Renaud-Barrault, Paris 8e, 01 44 95 98 21.
>> theatredurondpoint.fr
Tournée
8 décembre 2021 : NEST - CDN Transfrontalier de Thionville Grand Est, Thionville (57).
14 et 15 décembre 2021 : Comédie de Caen - CDN de Normandie, Caen (14).
Du 4 au 6 mai 2022 : Théâtre Olympia - CDN, Tours (37).
Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche 5 décembre à 15 h.
Relâche : 28 et 29 novembre.
Théâtre du Rond-Point, Salle Renaud-Barrault, Paris 8e, 01 44 95 98 21.
>> theatredurondpoint.fr
Tournée
8 décembre 2021 : NEST - CDN Transfrontalier de Thionville Grand Est, Thionville (57).
14 et 15 décembre 2021 : Comédie de Caen - CDN de Normandie, Caen (14).
Du 4 au 6 mai 2022 : Théâtre Olympia - CDN, Tours (37).