Après "Dusapin Requiem(s)" et "Manoury Inharmonies", ce nouveau CD "Mantovani Voices" sort aujourd'hui offrant quatre pièces splendides commandées au jeune compositeur né en 1974. Bruno Mantovani, également chef d'orchestre et directeur du Conservatoire national de Paris - dont l'impressionnante Symphonie n°1 "L'idée fixe" vient d'être créée dans l'Auditorium de Radio France, il y a quelques jours -, poursuit donc un compagnonnage commencé depuis longtemps avec Accentus et la chef Laurence Equilbey. Ces œuvres, créées par le chœur entre 2007 et 2012 et dédiées pour deux d'entre elles à leur chef, méritaient amplement d'être gravées pour mémoire. Sa "Cantate n°4" nécessitant en outre l'intervention de deux solistes solides et inspirés, la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton et l'accordéoniste Pascal Contet* - compagnon de route de Bruno Mantovani lui aussi.
La Revue du Spectacle a donc voulu rencontrer le compositeur lors d'une séance d'enregistrement du disque en février dernier à l'Opéra de Rouen Normandie. Le soir même, un concert était donné aux heureux spectateurs rouennais qui firent un accueil enthousiaste aux "Vier geistliche Gedichte" et à la "Cantate n°4", deux des quatre œuvres du CD Mantovani au programme. Le chœur fit bien-sûr merveille dans ces pièces dont l'écriture brillante sert aussi bien les instruments que les voix pour composer un dense tissu sonore. Travaillant sur la spatialisation, le dynamisme et la variation comme sur l'intensité, la musique de Bruno Mantovani a un fort pouvoir émotionnel - bien saisi sur le disque ici. Voici donc une rencontre qui nous éclaire sur le travail du compositeur.
La Revue du Spectacle a donc voulu rencontrer le compositeur lors d'une séance d'enregistrement du disque en février dernier à l'Opéra de Rouen Normandie. Le soir même, un concert était donné aux heureux spectateurs rouennais qui firent un accueil enthousiaste aux "Vier geistliche Gedichte" et à la "Cantate n°4", deux des quatre œuvres du CD Mantovani au programme. Le chœur fit bien-sûr merveille dans ces pièces dont l'écriture brillante sert aussi bien les instruments que les voix pour composer un dense tissu sonore. Travaillant sur la spatialisation, le dynamisme et la variation comme sur l'intensité, la musique de Bruno Mantovani a un fort pouvoir émotionnel - bien saisi sur le disque ici. Voici donc une rencontre qui nous éclaire sur le travail du compositeur.
Christine Ducq pour La Revue du Spectacle - Je viens d'assister aux répétitions de deux de vos pièces : "Vier geistliche Gedichte" sur quatre poèmes religieux d'Eichendorff et la "Cantate n°4" sur un texte de Paul Tymich "Komm, Jesu, komm". Comment choisissez-vous les textes ?
Bruno Mantovani - À chaque fois que j'ai écrit pour Accentus - et même pour d'autres configurations vocales -, j'aime beaucoup prendre des cycles de poèmes et en faire une recomposition personnelle. Je recrée moi-même un cycle. Je prends N poèmes d'un même auteur que j'aime et j'essaie de les mettre en relation. J'ai fait cela sur Rilke par exemple, pour un petit ensemble vocal, il y a très longtemps, pour ma première cantate, une œuvre qui dure plus de quarante minutes. C'est aussi mon propre cycle que ces "Cinq Poèmes de Janos Pilinszky" qu'interprète aussi Accentus.
Vous avez écrit votre "Cantate n°4" pour un chœur et deux solistes…
Bruno Mantovani - Cette cantate est une pièce un peu protéiforme. C'est une œuvre chorale, un concerto pour violoncelle et pour accordéon, c'est aussi un duo d'instrumentistes et des solos vocaux. Il s'agit vraiment une œuvre très hétéroclite. Ce qui est amusant c'est que le chœur peut avoir une couleur d'orgue comme l'accordéon en est un également. Le violoncelle étant un instrument qui se fond aussi très bien. À l'intérieur de cet effectif très compact, je voulais essayer de créer quelque chose de très éclaté, de très diversifié. Les configurations instrumentales et vocales changent tout le temps.
Bruno Mantovani - À chaque fois que j'ai écrit pour Accentus - et même pour d'autres configurations vocales -, j'aime beaucoup prendre des cycles de poèmes et en faire une recomposition personnelle. Je recrée moi-même un cycle. Je prends N poèmes d'un même auteur que j'aime et j'essaie de les mettre en relation. J'ai fait cela sur Rilke par exemple, pour un petit ensemble vocal, il y a très longtemps, pour ma première cantate, une œuvre qui dure plus de quarante minutes. C'est aussi mon propre cycle que ces "Cinq Poèmes de Janos Pilinszky" qu'interprète aussi Accentus.
Vous avez écrit votre "Cantate n°4" pour un chœur et deux solistes…
Bruno Mantovani - Cette cantate est une pièce un peu protéiforme. C'est une œuvre chorale, un concerto pour violoncelle et pour accordéon, c'est aussi un duo d'instrumentistes et des solos vocaux. Il s'agit vraiment une œuvre très hétéroclite. Ce qui est amusant c'est que le chœur peut avoir une couleur d'orgue comme l'accordéon en est un également. Le violoncelle étant un instrument qui se fond aussi très bien. À l'intérieur de cet effectif très compact, je voulais essayer de créer quelque chose de très éclaté, de très diversifié. Les configurations instrumentales et vocales changent tout le temps.
Entendant les grandes pages lyriques de ces œuvres, j'ai parfois pensé au compositeur John Adams.
Bruno Mantovani - Je déteste sa musique ! (Il rit). Non, sa musique est très répétitive sur une harmonie tonale. Ce qui n'est pas le cas de ma musique.
Qui sont vos maîtres, si vous en avez ?
Bruno Mantovani - C'est difficile d'en citer un plutôt qu'un autre. J'appartiens plutôt à une génération synthétique qu'à une génération d'écoles. Il est des personnages forts pour moi, Pierre Boulez évidemment mais également Peter Eötvos, un mentor pour moi. Dans les grands ancêtres citons Berio, Ligeti. Pour la génération juste avant la mienne, les compositeurs marquants sont Philippe Manoury et Tristan Murail par exemple.
Vous faites aussi œuvre d'historien avec cette "Cantate n°4"...
Bruno Mantovani - C'est amusant que vous disiez cela parce que c'est une attitude que revendiquent très peu de musiciens. Moi si. Donc, cela me touche que vous l'ayez remarqué. J'ai un lourd passé musicologique [Bruno Mantovani a soutenu étudiant une thèse en musicologie. NDLR]. Or la musicologie est pour moi une vision de l'Histoire. Ce n'est pas juste savoir des dates et une chronologie. C'est aussi porter un regard sur elle. En ce qui me concerne, une des façons de pratiquer la musicologie, c'est l'écriture. C'est-à-dire proposer une nouvelle interprétation historique d'où la référence à Jean-Sébastien Bach dans la cantate avec violoncelle et accordéon.
Bruno Mantovani - Je déteste sa musique ! (Il rit). Non, sa musique est très répétitive sur une harmonie tonale. Ce qui n'est pas le cas de ma musique.
Qui sont vos maîtres, si vous en avez ?
Bruno Mantovani - C'est difficile d'en citer un plutôt qu'un autre. J'appartiens plutôt à une génération synthétique qu'à une génération d'écoles. Il est des personnages forts pour moi, Pierre Boulez évidemment mais également Peter Eötvos, un mentor pour moi. Dans les grands ancêtres citons Berio, Ligeti. Pour la génération juste avant la mienne, les compositeurs marquants sont Philippe Manoury et Tristan Murail par exemple.
Vous faites aussi œuvre d'historien avec cette "Cantate n°4"...
Bruno Mantovani - C'est amusant que vous disiez cela parce que c'est une attitude que revendiquent très peu de musiciens. Moi si. Donc, cela me touche que vous l'ayez remarqué. J'ai un lourd passé musicologique [Bruno Mantovani a soutenu étudiant une thèse en musicologie. NDLR]. Or la musicologie est pour moi une vision de l'Histoire. Ce n'est pas juste savoir des dates et une chronologie. C'est aussi porter un regard sur elle. En ce qui me concerne, une des façons de pratiquer la musicologie, c'est l'écriture. C'est-à-dire proposer une nouvelle interprétation historique d'où la référence à Jean-Sébastien Bach dans la cantate avec violoncelle et accordéon.
Dans les répétitions, on voit à quel point votre partition présente une architecture quasi diabolique à mettre en place pour le chœur Accentus et les solistes !
Bruno Mantovani - Architecture, je ne sais pas. Mais c'est vrai que cette œuvre [la "Cantate n°4" NDLR] nécessite une vraie virtuosité. C'est amusant que vous parliez de "la mettre en place" car il y a en effet la virtuosité des solistes et des chanteurs, et aussi celle de la verticalité - le fait de jouer ensemble.
Vous choisissez beaucoup de poètes allemands pour vos œuvres. Est-ce un tropisme romantique ?
Bruno Mantovani - Oui, on peut dire cela. En particulier pour Eichendorff. En outre, Laurence (Equilbey) ne passe jamais une commande au hasard. Elle me précise toujours dans quel type de programme va s'insérer mon œuvre. Ce sont des indications précieuses. Mais j'ai aussi choisi Paul Tymich, un des poètes de Bach, et c'est donc un hommage à sa musique.
Est-ce qu'écrire pour un chœur est différent que composer pour un ensemble instrumental ?
Bruno Mantovani - Complètement. Nous avons d'ailleurs un gros problème de formation en tant que compositeur quand nous écrivons pour un chœur. On nous apprend à écrire pour les instruments, le quatuor à cordes, l'orchestre mais, dans nos études, on nous apprend très rarement à le faire pour un ensemble vocal. Un ensemble instrumental peut être poussé jusqu'à ses limites de virtuosité. Alors que, pour un chanteur, son instrument, c'est sa voix. S'il n'a pas de repères harmoniques autour de lui, il ne peut pas chanter. Il faut savoir écrire dans un contexte harmonique clair.
Bruno Mantovani - Architecture, je ne sais pas. Mais c'est vrai que cette œuvre [la "Cantate n°4" NDLR] nécessite une vraie virtuosité. C'est amusant que vous parliez de "la mettre en place" car il y a en effet la virtuosité des solistes et des chanteurs, et aussi celle de la verticalité - le fait de jouer ensemble.
Vous choisissez beaucoup de poètes allemands pour vos œuvres. Est-ce un tropisme romantique ?
Bruno Mantovani - Oui, on peut dire cela. En particulier pour Eichendorff. En outre, Laurence (Equilbey) ne passe jamais une commande au hasard. Elle me précise toujours dans quel type de programme va s'insérer mon œuvre. Ce sont des indications précieuses. Mais j'ai aussi choisi Paul Tymich, un des poètes de Bach, et c'est donc un hommage à sa musique.
Est-ce qu'écrire pour un chœur est différent que composer pour un ensemble instrumental ?
Bruno Mantovani - Complètement. Nous avons d'ailleurs un gros problème de formation en tant que compositeur quand nous écrivons pour un chœur. On nous apprend à écrire pour les instruments, le quatuor à cordes, l'orchestre mais, dans nos études, on nous apprend très rarement à le faire pour un ensemble vocal. Un ensemble instrumental peut être poussé jusqu'à ses limites de virtuosité. Alors que, pour un chanteur, son instrument, c'est sa voix. S'il n'a pas de repères harmoniques autour de lui, il ne peut pas chanter. Il faut savoir écrire dans un contexte harmonique clair.
Votre musique vocale fait communier l'auditeur dans une vraie transcendance. La transcendance est-elle dans la musique ou vient-elle d'ailleurs selon vous ?
Bruno Mantovani - Non. Pour moi, elle est dans la musique. Il y a un hommage à Bach et quatre poèmes religieux sur une musique composée par un athée militant ! (Il rit). C'est très amusant de se poser la question de l'œuvre littéraire et religieuse quand soi-même on n'est strictement affilié à aucune religion.
Vous composez en pensant à des poètes comme dans votre opéra "Akhmatova" mais aussi à des peintres. Êtes-vous intéressé par tous les langages artistiques ?
Bruno Mantovani - Oui, exactement. Tout ce qui est source d'émotion peut être transcrit dans la musique. Y compris la gastronomie ! J'ai beaucoup travaillé avec de grands cuisiniers. J'ai fait un menu complet avec des pièces telles que "Tarte au chocolat" et "Friantine aux langoustines" ! Tout cela me plaît beaucoup !
Note : *Pascal Contet a créé son propre label PLEINJEU. Son nouveau CD "Utopian Wind Solo" sortira fin août.
Bruno Mantovani - Non. Pour moi, elle est dans la musique. Il y a un hommage à Bach et quatre poèmes religieux sur une musique composée par un athée militant ! (Il rit). C'est très amusant de se poser la question de l'œuvre littéraire et religieuse quand soi-même on n'est strictement affilié à aucune religion.
Vous composez en pensant à des poètes comme dans votre opéra "Akhmatova" mais aussi à des peintres. Êtes-vous intéressé par tous les langages artistiques ?
Bruno Mantovani - Oui, exactement. Tout ce qui est source d'émotion peut être transcrit dans la musique. Y compris la gastronomie ! J'ai beaucoup travaillé avec de grands cuisiniers. J'ai fait un menu complet avec des pièces telles que "Tarte au chocolat" et "Friantine aux langoustines" ! Tout cela me plaît beaucoup !
Note : *Pascal Contet a créé son propre label PLEINJEU. Son nouveau CD "Utopian Wind Solo" sortira fin août.
● "Mantovani Voices".
Accentus.
Laurence Equilbey, direction.
Pieter-Jelle de Boer, direction.
Sonia Wieder-Atherton, violoncelle.
Pascal Contet, accordéon.
Label : Naïve.
Sortie : 1er juin 2015.
Durée : 54 minutes.
Bruno Mantovani (1974), compositeur.
"Cinq Poèmes de Janos Pilinszky".
"Vier geistliche Gedichte".
"Monde évanoui (Fragments pour Babylone)".
Cantate n°4 "Komm, Jesu, komm".
Accentus.
Laurence Equilbey, direction.
Pieter-Jelle de Boer, direction.
Sonia Wieder-Atherton, violoncelle.
Pascal Contet, accordéon.
Label : Naïve.
Sortie : 1er juin 2015.
Durée : 54 minutes.
Bruno Mantovani (1974), compositeur.
"Cinq Poèmes de Janos Pilinszky".
"Vier geistliche Gedichte".
"Monde évanoui (Fragments pour Babylone)".
Cantate n°4 "Komm, Jesu, komm".